mercredi 29 décembre 2010

La trêve des confiseurs


Trouver un bon sujet cette semaine est particulièrement difficile. Le faible nombre d’affiches intéressantes cette semaine inciterait à penser que la trêve de fin d’année concerne vraiment tout le monde, même les publicitaires. J’ai beau me démener, je ne vois pas l’ombre d’un texte prendre forme dans ma tête quand je regarde les quais du métro ou les panneaux urbains (c’est peut-être un excès de sucreries) ; en fait, le seul effet produit est de me renvoyer aux – multiples – tentatives de billets restés lettres mortes ces dernières semaines, pour des raisons diverses.


Par autocensure tout d’abord. Le cas de Renova est exemplaire : les affiches offraient l’occasion rare de confronter les usagers du métro à la question de leurs déchets les plus intimes. Mais comment évoquer ce sujet sans tomber dans le graveleux et les jeux de mots inutiles et idiots. Le slogan « do not disturb » mis en avant par l’affiche en amenait quantité d’autres, mais la ligne jaune du bon goût pouvait être franchie trop aisément. Exit le papier sexy.


Parfois, le concept inepte de certaines publicités laisse pantois. L’image ridicule et le propos creux engourdissent l’esprit au point de créer un vide qui aspire la moindre pensée critique. Que dire, par exemple, de la publicité Eric Bompard et de ces trois chèvres promenant une jeune fille dans un simili-Manhattan ? Très peu de choses finalement.


Les thèmes d’autres publicités suscitent, en revanche, une forte empathie. C’est leur réalisation qui pose problème. Dans le cas de Laure Manaudou, on avait envie de sourire avec elle et de lui dire qu’elle avait raison de tout plaquer pour faire une pause et vivre autre chose que des semaines d’entrainement monotones. Mais les images étaient tellement tartes que l’on pouvait prêter au texte une ironie sous-jacente totalement involontaire. 

Je profite donc de ce billet un peu bâtard pour remercier les publicités, bonnes et mauvaises, qui proposent une idée suffisamment développées pour pouvoir écrire des textes plus ou moins intéressants. Vivement 2011 !

mercredi 22 décembre 2010

Soyons mobiles


C’est la dernière ligne droite avant le grand déballage.

Pour tous ceux qui n’ont pas encore réalisé leurs achats – par manque de temps, par envie de partager ces instants d’allégresse avec un maximum de gens ou du fait des récentes et importantes chutes de neige – le temps est désormais compté : Noël, c’est dans trois jours.

Qu’iront donc acheter ces consommateurs de la dernière minute ? Si l’on en croit les campagnes d’affichages qui se sont succédées sur les panneaux du métro et d’ailleurs, ce devrait être des téléphones portables.


Sous l’impulsion conjointe des circuits de grande distribution, des opérateurs et des constructeurs, les publicités ont abondamment mis en avant ces appareils et leurs nombreuses fonctionnalités, devenus indispensables à la vie quotidienne de millions de Français. Cette année a ainsi consacré la vente de smartphones, qui auront été bien plus vendus que l’Ipad si l’on en croit une étude de l’institut GFK  (http://megados.com/News_Cadeaux_de_no_l___high_tech_n_est_pas_present_au_top_10_des_produits_de_l_annee_2010,5513.html).

L’intérêt pour des mobiles offrant à leurs utilisateurs une fenêtre sur le monde s’est donc intensifié en cette fin d’année et, d’une certaine manière, l’affichage dans le métro a joué le rôle de caisse de résonance idéale : le temps passé dans les transports en commun est de plus en plus mis à profit par les usagers pour exploiter les fonctionnalités et autres applications à leur disposition sur les smartphones ; la consultation de courriels et l’accès à Internet sont autant d’outils autorisent un gain de temps considérable dans les sphères privée et professionnelle, autorisant un contact quasi direct avec la réalité, et quitte à réduire la vie à une suite d’ « immédiatetés » – pour paraphraser Paul Virilio.

Pour l’urbaniste et essayiste français, la vitesse, « non contente d'occuper une place prépondérante dans notre représentation du réel, finirait par constituer le réel lui-même » ; chacun est lancé dans une course contre lui-même et les autres pour mieux comprendre le monde. « La religion de la vitesse qui nous assiège transporte avec elle un « trop-plein » de réel. Pour éviter d'être submergé nous n'avons d'autre recours que de nous dépêcher toujours plus. Nous finissons par faire de la vitesse elle-même le symbole de l'innovation, de la réussite et du bonheur humain ».

Avant de critiquer ces positions et les taxer de rétrogrades, ce billet propose ici une autre idée de cadeau à tous les retardataires dont les proches utilisent fréquemment les transports en commun : un livre de Paul Virilio, le dernier en date étant L’administration de la peur, Entretien avec Bertrand Richard, paru en 2010.

P.S.
Les citations sont tirées de l’article « Paul Virilio : le critique de la vitesse », disponible à l’adresse : http://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20100818.BIB5478/paul-virilio-le-critique-de-la-vitesse.html

jeudi 16 décembre 2010

Big is beautiful


Le précédent billet posait la question de la compatibilité publicité / discrétion. Si la pratique des bâches publicitaires sur les façades en restauration montrait le souci, dans certains cas, de concilier au mieux contraintes matérielles, impératifs budgétaires et préservation de l’identité d’un bâtiment et de son environnement direct, la discrétion a dû céder le pas sur d’autres terrains.


Les nombreux immeubles bordant le périphérique et leur taille conséquente représentent autant d’opportunités laissées aux agences publicitaires de laisser libre cours à leurs pulsions swiftiennes en disposant une variété importante de « maxipublicités ». L’objectif de ces panneaux géants est clair : attirer l’œil des passants et, surtout, des milliers d’automobilistes qui empruntent l’anneau de circulation parisien.



Ces affiches font aujourd’hui entièrement partie du paysage périphérique, constituant même une nouvelle forme de borne kilométrique jonchant le parcours et complétant la signalétique traditionnellement mise en place. Leur impact sur les consommateurs n’est pas négligeable, notamment lors d’embouteillages puisqu’elles ont alors le temps de s’imprimer sur la rétine et dans l’inconscient du conducteur.


Leur pertinence est également redoutable : on distingue ici un téléphone new look très utile pour passer le temps dans les bouchons, appeler son chef ou sa famille pour annoncer un retard ; le même téléphone qui permet d’appeler RMC pour donner son opinion sur la gestion déplorable des infrastructures dans notre pays par les autorités supposément compétentes ; là, une affiche annonce un hôtel apparemment idéal pour passer une nuit au chaud en cas d’épisodes neigeux et de routes aux pentes trop inclinées.
 

Ces « maxipublicités » permettent aux annonceurs de toucher un large public et aux propriétaires des édifices de tirer des revenus réguliers. Le paysage du périphérique parisien n’étant, par ailleurs, pas réputé pour sa beauté, le préjudice est jugé minime. Cela étant, le recours à ces grandes affiches illustre parfaitement la principale caractéristique de la publicité : le besoin constant de trouver de nouveaux espaces à exploiter afin de mieux capter l’attention des consommateurs potentiels. Le même phénomène prévaut dans le métro parisien :


Comme la nature, la publicité n’aime pas le vide.

lundi 13 décembre 2010

Venise - Paris - Bruxelles

Publicité et discrétion sont-elles compatibles ? Si l’on considère le matraquage dont sont l’objet téléspacteurs, auditeurs et passagers du métro, rien n’est moins sûr.

Les habitants de Venise demandent pourtant à combiner les deux, eux qui sont régulièrement confrontés à des bâches publicitaires gigantesques engloutissant les monuments de la ville en cours de rénovation. Pour mieux financer leurs campagnes de restauration, les autorités vénitiennes ont en effet de plus en plus recours à ces « maxipublicités », qui présentent l’avantage d’assurer aux bailleurs de fonds une visibilité importante. La pratique n’est pas nouvelle : Enrico Tantucci et Maureen Marozeau rappellent dans Le Journal des Arts qu’il y a un peu plus de dix ans, « le Credito Bergamasco a déboursé 2 millions d’euros pour financer intégralement, sept ans durant, la rénovation des façades gothiques du palais des Doges. Sur les échafaudages figurait une reproduction de la façade du palais, puis celle d’un Tiepolo, le logo de la banque y apparaissant en toute discrétion » (Enrico Tantucci, Maureen Marozeau, « Affligeantes affiches », Le Journal des Arts, n°333, du 22 octobre au 4 novembre 2010). Ce qui a changé, c’est l’impact sur le patrimoine :

emprunté à : http://observers.france24.com/fr/content/20100825-restaurer-patrimoine-venise-coca-cola-publicite-italie
Oui, au centre de la photo, c’est bien le Pont des Soupirs (ou ce qu’il en reste) coincé entre deux bouteilles de soda. La dénaturation du site ne semble pas préoccuper le maire de la ville. Celui-ci a déclaré que « si les gens veulent voir [le Pont des Soupirs], ils doivent aller chez eux et en regarder une photo dans un livre » (Enrico Tantucci, Maureen Marozeau, ibid.). De tels affichages ne seraient toutefois pas légaux, puisque la convention passée entre la Ville et l’Etat en 1924 stipule que tout monument « doit être libre d’objets et de meubles, qui, de quelque manière, peuvent altérer sa beauté et sa majesté, masqueraient la qualité, les tableaux et toute autre particularité inhérente à l’art et à l’Histoire », tandis que le Code des Biens culturels établit qu’ « il est interdit de placer ou d’afficher des panneaux ou autres sources de publicité sur les édifices et les zones désignées comme biens culturels. Le surintendant peut, cela dit, autoriser le placement ou l’affichage dès lors qu’aucun tort n’est causé à l’aspect, au décor et à la jouissance publique desdits édifices et zones » (Enrico Tantucci, Maureen Marozeau, ibid.).

Le budget du Ministère de la culture italien se réduisant à peau de chagrin, les responsables des monuments se doivent de trouver des sources de financements privés complémentaires pour assurer la restauration d’un patrimoine immense mais en danger – comme l’a illustré l’effondrement d’une villa sur le site de Pompéi récemment. Le phénomène n’est pour autant pas un cas isolé en Europe : en France le décret n°2007-645 du 30 avril 2007 a autorisé la publicité sur les façades des monuments historiques et a voulu stimuler le recours au mécénat. Les Parisiens ont en ce moment l’occasion d’en voir une application sur la façade ouest de l’Opéra Garnier.


L’opéra Garnier a pu minimiser le préjudice que lui causait une façade entièrement dévolue à la publicité en mettant en place un affichage double :
- à droite, une « maxipublicité » H&M, renouvelable au gré des saisons et des annonceurs (http://www.operadeparis.fr/cns11/live/onp/Vous_etes/entreprises_AROP/location_espace/la_publicite.php?lang=fr) ;
- à gauche, une bâche mettant discrètement en lumière le mécénat d’Eiffage.

Un véritable marché a vu le jour dans le domaine du « financement mécénat ». La société Célize propose ainsi son expertise pour réaliser des trompe-l’œil respectueux du cadre en restauration, en partenariat avec la Fondation du Patrimoine (http://www.celize.com/financement-mecenat). On peut donc s’attendre à voir d’autres bâches monumentales dans les mois à venir, en espérant qu’elles s’inspireront davantage de ce qu’allait devenir le Musée Magritte que du Pont des Soupirs.

vu dans : http://forumamontres.forumactif.com/forum-general-de-discussions-horlogeres-f1/le-mecenat-horloger-autorise-t-il-a-faire-nimporte-quoi-t81296-15.htm

P.S.:
Un grand merci à Louise pour les sources !

jeudi 9 décembre 2010

Publicité comparative


Ah ! Les pubs du Stade Français !
J’ai longtemps hésité avant de publier un nouveau billet sur ce thème (voir ‘Va y avoir du sport’). Je ne voulais pas tomber dans la facilité et revenir sur un sujet déjà traité. Les fans de cinéma le savent, les suites sont rarement aussi intéressantes que les premiers volets des sagas : on y trouve plus d’effets spéciaux et plus de sang, mais la force du propos s’en trouve souvent diminué.


L’affiche elle-même devait être digne de l’originale et susciter le commentaire. Or si le graphisme restait réjouissant et tranchait avec le style des autres publicités du métro, sa structure était trop similaire à celle employée pour le match Stade Français-Toulon. Exit les marins toulonnais, place aux raids agressifs des parachutistes du Sud-ouest (merci EADS !). La seule question que se dégageait d’une telle affiche était de savoir comment allaient être dépeints les prochains adversaires du club de la capitale au Stade de France, la carte de l’industrie française de la défense ne collant pas exactement à celle du rugby professionnel.

Entre autres équipes, quel sort aurait été réservé au Racing Métro, club prestigieux des Hauts-de-Seine de retour au premier plan depuis quelques années (j’attendais avec impatience de voir Sébastien Chabal représenté en samouraï) ? La question est vaine puisque le Stade Français n’accueillera apparemment pas le Racing au Stade de France comme il le fait lors des matches de prestige. Cette décision est surprenante puisque cela promettait un beau derby, ces rencontres qui opposent des équipes voisines et déterminent la prééminence de l’une sur l’autre à l’échelle régionale, sinon nationale. Peut-être les dirigeants parisiens considéraient-ils que l’assise du rugby en Ile-de-France n’était pas assez conséquente pour remplir les 80000 places de l’enceinte de Saint-Denis, en dépit de la forte concurrence qui oppose les deux clubs à tous les niveaux. L’usager peut en avoir un aperçu sur les quais des stations en ce moment puisqu’aux affiches stylisées du Stade Français répondent celles, plus sobres, du Racing.


Cette affiche n’a rien à voir avec celle du Stade Français, formellement parlant. Ici, pas de profusion de couleurs et de mouvements, mais une scène plus posée de concertation entre équipiers. Les joueurs de l’équipe apparaissent « en chair et en os » et non sous la forme de caricatures. En haut à gauche est figuré leur blason, où se distingue l’année de création du club (1892, date du premier titre de champion de France de cette équipe par ailleurs). L’expression « pack Noël » est-elle un trait d’humour (le pack en rugby est composé des joueurs les plus lourds et qui poussent la mêlée) ? Si c’est le cas, c’est peut-être involontaire et de toute façon très éloignée de la blague potache du Stade Français où l’on voit un joueur toulousain faire une bombe à sa sortie du B-52.

Tous ces éléments indiquent le sérieux de l’institution qu’est le Racing dans le paysage rugbystique, et sa volonté de respecter les traditions. A l’occasion du lancement de l’exercice 2010-2011, le président du club avait mis en avant sa volonté de ne jamais porter atteinte au maillot de l’équipe – sous-entendu à l’inverse de ce qu’avait pu faire le rival parisien avec ses tuniques chamarrées. Ce qui n’empêche en aucune manière le marketing puisque le club a ouvert il y a quelques mois une boutique haut-de-gamme sur le boulevard Saint-Germain.

A l’aune de ces deux affiches, l’usager et le supporter ont le choix entre deux équipes : l’une foutraque, un brin vulgaire et qui part dans tous les sens ; l’autre tout en retenue, opiniâtre et triste comme un jour sans pain. A qui va sa préférence ?  

P.S.
En avant-première, voici l’affiche du match opposant le Stade-Français à l’équipe de Clermont. Un vrai feu d’artifice !

lundi 6 décembre 2010

Expression libre


Les panneaux qui décorent les couloirs et les quais du métro ne sont pas réservés aux seules affiches publicitaires. Comme le constate quotidiennement l’usager, ils représentent également des espaces de libre expression que tout individu peut s’approprier quand il ressent l’envie de communiquer avec les milliers de voyageurs qui transitent dans ce monde souterrain. Que les messages ainsi griffonnés soient concis ou conséquents, il s’en dégage une impression étrange, entre excitation de la transgression, tension du besoin de s’exprimer et urgence de l’acte.

Les plus sommaires sont les signatures. Les « Diam’s » des années 1990 et « Krevet » des années 2000 sont aujourd’hui remplacés par une cohorte d’alias éphémères dont le sens échappe au voyageur. On pourrait imaginer que ces signatures sont celles des concepteurs des affiches, lesquels se lanceraient dans une séance de dédicaces dans les couloirs du métro au risque de provoquer un embouteillage monstre et la colère des usagers. Une explication plus simple, et plus naïve, serait de voir dans ces actes le souhait contradictoire d’exister tout en restant anonyme grâce à des traces énigmatiques.

Certaines interventions sont un poil plus denses, mais laissent le lecteur perplexe.

Pas de signature ici, juste trois mots en forme de slogan. Si ce dernier n’est pas totalement infondé – pourquoi pas un peu de musique dans le métro en effet ; en même temps, si c’est pour écouter RFM ou Chérie FM je préfère ne pas poser la question – le choix du support interpelle. Quel est le rapport entre cheval et musique ? Même d’un point de vue symbolique, on ne voit pas trop le rapport. Et pourtant, l’auteur semble tenir à sa proposition et considérer qu’il est urgent de modifier l’ambiance dans le métro parisien comme le montre son deuxième texte (je demande ici l’aide des lecteurs de ce billet : avez-vous une idée expliquant la présence de ce cheval ?).
Mais les messages peuvent aussi être plus explicites.

Ici, l’affiche importe peu : l’essentiel se trouve dans le propos. Les mots sortent précipitamment et expriment un ras-le-bol, que ce soit sous forme de poésie, d’apostrophe, ou de caricature comme dans le cas du dessin ci-dessous. Dans les deux cas, on imagine un geste non prémédité, qui a vu l’individu le réaliser à sa propre surprise, avec un sentiment de nécessité. Pour preuve : l’absence de commentaires ou de dessins similaires sur les quais des stations environnantes. 
 

Il y a quelques années, alors qu’un fort mouvement anti-publicité faisait rage dans le métro, la RATP avait laissé pendant quelques semaines des panneaux blancs dans certaines de ses stations pour laisser les usagers désireux de se manifester le faire librement. L’expérience n’avait pas été prolongée ou rendue pérenne. De fait, elle n’était pas nécessaire : les voyageurs n’hésitent pas à s’emparer des panneaux pour communiquer, que ce mode d’expression soit dérisoire ou utile, fondé ou ridicule selon les points de vue.



mercredi 1 décembre 2010

Un spectacle grandiose


 
La guerre contre les ténèbres est engagée. Baignée d’une lumière hésitant entre aube et crépuscule, la troupe des cavaliers qui s’avancent résume l’incertitude qui prédomine quant à l’issue du combat. Car s’ils se battent pour de nobles idéaux, ces chevaliers restent des hommes faillibles, assaillis par les passions et le doute.
Au premier plan de l’affiche, telle une invitation faite à l’usager du métro, une épée fichée dans le sol attend qu’un homme la brandisse et montre la voie qui mènera à la victoire : Excalibur.

 
Après un nombre incalculable d’adaptations, la légende du roi Arthur revient sous la forme d’un spectacle de grande ampleur, au Stade de France, pour deux représentations fin septembre. Une annonce aussi hâtive peut surprendre ; après tout, le trajet Avallon – Saint-Denis n’est pas si long qu’il demande neuf mois pour l’effectuer, même à cheval. Après quelques – courtes – recherches, il apparaît que le spectacle est encore en cours de préparation. Si les informations disponibles sur le site du Stade de France (http://accueil.stadefrance.com/customers/evenement/excalibur-legende-roi-arthur-chevaliers-table-ronde) sont peu fournies, on peut toutefois avoir une idée un peu plus précise du résultat final à la lueur de divertissements similaires, les spectacles retraçant la vie de personnages fictifs, ou réels, et d’événements majeurs dans l’histoire du monde n’ayant pas manqué ces dernières années.

Tout d’abord, la fiche technique du spectacle ne mentionne pas la participation de Robert Hossein. On peut donc légitimement penser que le rôle du public se limitera à celui de spectateur, et qu’on ne lui demandera pas de voter sur tel ou tel aspect de l’histoire (oui ou non, Arthur pourra-t-il soulever l’épée ?).

Si le spectacle s’annonce conventionnel sur la forme, il devra respecter deux éléments de la charte des shows à l’américaine et autres comédies musicales françaises qui peuplent les salles parisiennes : inclure des chorégraphies et des chansons. Dès lors, on peut s’attendre à voir le roi Arthur s’inspirer de Michael Flatley pour motiver ses troupes avant la bataille finale (http://www.youtube.com/watch?v=jjxTTjJtXDA).

 
Pour les chansons, la barre est haute. Comment faire mieux que le son RTL2 de Mozart, l’opéra (pop-)rock, qui proposait dans son premier single les paroles suivantes :
« Allez viens
C'est bientôt la fin
De ce monde
Qui n'entend rien
Allez viens
Sonner le tocsin
Fais valser leurs vieux discours
Viens danser c'est notre tour ».

N’ayant pas l’âme d’un auteur, je ne peux ici qu’imaginer les rimes des prochains hymnes de ce spectacle, qui devraient charmer tout un chacun et passer en boucle sur la bande FM. Pour Camelot, on trouve « litote », « tricote » et « bande de potes ». Pour Arthur, ne faisons pas dans la facilité : il y a certes « Excalibur », mais surtout « friture », « no future », un surprenant « Balladur » et surtout un « luxure ». Or qui dit spectacle grandiose, dit beaucoup de figurants !

Autant l’avouer, on a hâte !

dimanche 28 novembre 2010

Nom de code: Noël


Certains inconscients restés hermétiques aux décorations des boutiques et des rues n’avaient pas perçu les signes avant-coureurs indiquant que, cette année encore, Noël arrivait tôt dans la saison.

Heureusement pour eux, la publicité s’est chargée de le leur rappeler. Outre la télévision et la presse, le lieu idoine pour ce faire est le métro parisien, qui offre à ses usagers un cours de rattrapage sur toutes les bonnes affaires auxquelles ils auront droit dans les semaines qui viennent.


Les campagnes publicitaires fleurissent donc sur les panneaux du métro, avec plus ou moins de réussite selon les budgets et la créativité mise en avant. Carrefour, par exemple, a tout claqué sur les nombreuses campagnes publiées tout au long de l’année et a dû se contenter d’une affiche et d’un concept un peu cheap. L’entreprise a tout de même choisi de disposer de la neige en guise de décor, empruntant l’un des codes visuels les plus courants de cette époque. On ne voit pas ces frêles vélos rouler allègrement dans la neige, mais l’essentiel n’est pas là : il faut relier la promotion à la joie des achats de fin d’année.

Le détournement, plus ou moins subtil, de références empruntées au folklore de Noël est en effet récurrent dans la publicité. Mode oblige, le Printemps a mis en scène les traditionnelles couleurs rouge et blanche pour habiller son égérie et mieux souligner son slogan « Noël au château » (« … et Pâques aux rabanes », ajouterait mon grand-père) présentant une version sexy et moins emprunte de bonhommie que l’habituel barbu rondouillard.

 
La publicité joue donc avec ces codes et les modernise en fonction des goûts de l’époque – savoir si elle les a empruntés à la tradition populaire ou les a imposés serait un long débat. Canal Sat a, depuis quelque temps, donné vie aux rènes de la Némésis du Père Fouettard. Avec une différence notable toutefois : ces dernières années, le troupeau débonnaire vantait les charmes des abonnements Canal Sat en chansons. Le texte était affreux et les animaux avaient manifestement abusé de l’aquavit, mais ça restait acceptable. En 2010, ils reviennent, et ils ne sont pas contents : body-buildés et butoxés, ils sont le fruit de la situation sociale et de l‘imaginaire commun. Le sentiment d’injustice prospère et l’individu se tourne désormais vers des solutions extraordinaires pour résoudre ses problèmes quotidiens : regarder la télévision.

L’esprit Canal pour sauver l’esprit de Noël et le moral des Français. Trop fort !


mardi 23 novembre 2010

Les cadavres exquis de la RATP


Le changement des affiches publicitaires dans les couloirs et sur les quais du métro confère au monde souterrain un caractère changeant et en perpétuelle mutation.

Chaque semaine, des salariés de la RATP procèdent à cette tâche d’une ampleur insoupçonnée et totalement déconsidérée qui modèle le décor de l’usager pour quelques  jours. Assister à cette activité s’apparente presque à un spectacle qui aurait sa propre chorégraphie (la danse de la brosse à colle) et son suspense (quelle publicité sera choisie dans la besace ?).

Ce renouvellement constant connaît toutefois quelques ratés. Selon que l’on se trouve dans une station en rénovation partielle ou totale, que l’image ait suscité la réaction d’un passager mécontent, ou qu’il fallait nettoyer les panneaux et supprimer les sous-couches d’affiches passées, il est fréquent de trouver des images étonnantes et imprévues qui défient toute logique. Ici, Paolo Conte rencontre Yves Saint-Laurent dans une boutique Mauboussin où les clients écoutent les vinyles d’Aldebert.  Là, Expédia offre des jeans Kaporal pour tout séjour parisien acheté sous les tropiques.

 
Plus loin, au hasard des couloirs, on trouve ce qui s’apparente à une pièce de musée à l’échelle du métro : les restes d’une affiche de Sol En Si de 1993 (??!!!), mutilée mais bien discernable. On ne comprend pas trop qu’elle ait pu survivre tout ce temps, mais elle est pourtant devant nos yeux, attendant un collectionneur amoureux ou un archéologue du métro pour finir dignement sa vie à l’abri. Quelles autres antiquités pourrait-on découvrir si l’on prenait le temps de gratter le verni de la juxtaposition des sous-couches de publicités ? 


Dans tous les cas, le choc des thèmes introduit un peu de rêve et de folie dans le voyage souterrain ; celui des couleurs détourne l’œil des murs de faïence blanche. L’usager reprend alors possession de ses esprits et peut divaguer le long de ces cadavres exquis salvateurs.

jeudi 18 novembre 2010

Humour, quand tu nous tiens



Parmi toutes les formes d’humour que l’on peut recenser, celle du calembour est peut-être  la plus difficile à mettre en pratique, et la plus ingrate. L’équilibre est en effet précaire : un jeu de mots considéré trop facile attire sur son auteur des regards appuyés (« tu t’es pas foulé ! ») ; s’il est trop compliqué, les commentaires sont lapidaires (« oh là là, mais où tu vas les chercher ! »). Dans tous les cas, il ne faut pas en abuser au risque de s’attirer une critique définitive (« bon t’es sympa, mais arrête maintenant, ça devient gonflant»).

Dans le monde de la culture, les artistes ont fréquemment recours au procédé. Jacques Demy par exemple était un grand amateur de calembours, au point d’avoir songé à intituler « Une Chambre en Ville » sorti en salles en 1982 « L’Edith de Nantes », comme l’évoquent Marie Colmant et Olivier Père dans leur livre Jacques Demy, tout entier (éditions La Martinière).

Ces dernières années, l’industrie du cinéma a employé massivement le calembour dans une démarche promotionnelle sur le créneau des films pour enfants et adolescents. Avec des résultats qui laissent perplexes.

 
Bon d’accord, l’exercice est ardu. Quasiment hors de tout contexte, les créatifs doivent résumer un élément clef de l’intrigue et démontrer que l’œuvre est bien une comédie, le tout en cinq à six mots. Mais bon, les campagnes d’affichage sont tout de même au ras des pâquerettes.


Un peu plus espacés, ces campagnes pourraient susciter une pointe de jalousie ou d’envie chez tous les amateurs de plantage (« respect, je l’aurais jamais tenté celui-là »). Mais ce type d’affiche est devenu tellement systématique qu’on imagine aujourd’hui les distributeurs de ces films passant leur temps à préparer des fiches entières de calembours, devançant même les projets des films. Vivement un autre mode de communication qui ne fasse plus tourner les spectateurs en calembourrique.

lundi 15 novembre 2010

Prenez un chewing-gum Emile




82 minutes. C’est le temps moyen que les Franciliens consacrent quotidiennement à leurs déplacements, d’après une étude que l’INSEE a publiée au début de l’année 2010. Si l’on ne prend en compte que les usagers des transports en commun, la durée s’échelonne entre 1h30 et 2h30 selon qu’on habite à Paris ou en grande couronne.

Les conditions mêmes de ces déplacements sont fluctuantes en fonction de l’itinéraire. Prendre la ligne 13 du métro ou le RER B le matin ou vers 18h30 peut s’apparenter à une réelle aventure pour les non-initiés – et à un calvaire pour les habitués. Rames combles et arrêts fréquents crispent considérablement les usagers au point de donner lieu à de fréquentes scènes d’énervement (lire à ce sujet « Les naufragés de la ligne 13 » de Benoît Hopquin du Monde, toujours d’actualité).

Dans tous les cas, le passager doit trouver une occupation pour meubler son temps de transport. Les tactiques varient en fonction des individus et de leurs humeurs : ici, détente ou repos (rab de sommeil, écoute d’un MP3, …) ; là, travail (préparation de la journée, révision de partiels et correction des copies).

Hollywood propose le chewing gum. 


L’idée consiste à offrir tout d’abord aux passagers un environnement olfactif apaisé loin des haleines fatiguées et autres remugles d’aisselles douteuses. Même dans un wagon comble, la conjugaison des expirations mentholées mèneraient immanquablement à une ambiance plus sereine et RTL-ophile (le fameux « vivre-ensemble ») ; l’usager s’adresserait spontanément à son voisin pour humer ses propos et lui prouver que lui non plus n’a pas mangé de fromage à midi – ou qu’en tout cas, il a su le digérer. Cette ambiance amicale permettrait alors de mieux accepter les éventuels désagréments du trajet, devenant même un prélude à un rapprochement plus intime entre passagers.

La drague comme ultime argument en faveur des transports en commun. Que dit l’automobile ?


mardi 9 novembre 2010

Ode aux fresques


On ne sait pas trop d’où leur vient leur charme.

La surprise de les croiser au hasard des promenades n’y est sans doute pas étrangère. Les fresques publicitaires ne sont plus légion dans les rues de Paris et des villes limitrophes, mais on doit certainement en manquer un grand nombre, le regard rivé vers le sol et les pensées occupées par les préoccupations du quotidien. On oublie d’ailleurs souvent où on les a trouvées. Le plaisir se trouve ainsi renforcé par ces rencontres fugaces et qui ne se reproduiront peut-être plus jamais.

Au détour d’une rue, on distingue leur aspect désuet témoin d’un autre temps : lavées par les intempéries et la pollution, les couleurs ont depuis longtemps cessé de matraquer leur message au profit d’une suggestion plus intime et délicate. Pour peu que le produit ou la marque n’existe plus, on se trouve confronté à un vestige de la société de consommation qui attendrit plus qu’il ne crispe – à l’instar des bornes be-bop qui s’accrochent encore à leurs tuyaux par-ci par-là.

La ville semble prendre sa revanche sur ces publicités qui autrefois la défiguraient. Grâce à ces images qu’elle a intégrées et assimilées, elle paraît aider les citadins à relativiser les campagnes publicitaires actuelles, leur confiant qu’il ne faut pas prêter attention à ce qui n’est rien d’autre qu’une agitation vaine, promise à devenir un vague souvenir effacé par le temps.


jeudi 4 novembre 2010

Ca plane pour lui


Le Grenelle de l’environnement est un échec.

C’est du moins ce que pensent 74% des Français, si l’on en croit le sondage réalisé par le magazine Terra Eco dans le cadre du dossier consacré à l’action présidentielle et gouvernementale sur les questions liées à l’écologie (« Comment Sarkozy a failli être écolo », n°19, novembre 2010). Le constat est sans concession puisque 71% des personnes sondées « estiment que le gouvernement n’a plutôt pas ou pas du tout respecté les engagements du [Pacte écologique] signé en grande pompe par tous les candidats à la dernière présidentielle ».

Certaines personnalités politiques de droite montent au front pour défendre l’action entreprise depuis 2007 – telles que la secrétaire d’Etat chargée de l’écologie Chantal Jouanno, qui déclare à Terra Eco que le gouvernement « a réalisé 90% de ce qu’[il] voulait faire » – mais l’impression demeure : les bonnes intentions initiales ont cédé le pas devant l’intérêt économique. Symboles de cette évolution, deux déclarations de Nicolas Sarkozy mises en exergue par le magazine : « Je veux que le Grenelle soit l’acte fondateur d’une nouvelle politique, d’un New Deal écologique en France, en Europe et dans le monde » (25 octobre 2007) et « Toutes ces questions d’environnement (…) ça commence à bien faire » (6 mars 2010).

Le gouvernement doit de nouveau gagner la bataille de l’opinion. Sa contre-attaque est, à ce titre, digne des meilleurs spin doctors anglo-saxons et pourrait se résumer à une seule publicité : Fructis de Garnier.


Depuis le début de la semaine, les usagers du métro et les piétons parisiens sont en effet invités à partager une expérience qui sent bon la nature et propose une solution à la pollution des transports. « Nouvelle énergie verte » à laquelle personne n’avait véritablement pensé, le shampooing ne se limite pas à une simple utilité hygiénique ; il rend les cheveux à même de tracter leurs propriétaires dans les airs sans rejet démesuré de CO2. On attend évidemment l’explication des scientifiques sur cette prouesse technologique qui ne résout pour autant pas tous les problèmes : comment les chauves vont-ils pouvoir bénéficier de ce progrès ? Quelles sont les solutions pour un pilotage sans danger (une chute de cheveux inopinées lors d’un voyage au-dessus de la Manche pourrait avoir des conséquences tragiques).

Jean-Louis Borloo a parfaitement lancé cette campagne dès dimanche dernier, sur le plateau de Dimanche +, où il arborait une nouvelle coupe de cheveux. Loin d’un supposé souhait de renforcer son statut de favori au poste de Premier Ministre comme ont pu le penser certains journalistes, il fallait y voir le retour du gouvernement sur la question fondamentale de l’environnement en s’attaquant à la racine (si l’on peut dire) du problème : le look du ministre.


samedi 30 octobre 2010

La pensée PowerPoint


En mal de notoriété et rabaissé au rang de simple concurrent de Gmail après avoir été plébiscité au tournant des années 1990-2000, le service de courrier électronique gratuit Hotmail a récemment lancé une campagne de publicité multi-support d’envergure. Les affiches aperçues dans le métro ces derniers jours indiquent que le public visé est celui-là même qui l’a délaissé ces dernières années : les jeunes.

Et quoi de mieux pour se les concilier que de mettre en avant la mise à disposition d’une multitude d’outils permettant de communiquer de manière plus immédiate, plus simple et plus rapide, et couvrant l’ensemble des besoins des internautes – téléchargement massif de photos, accès aux vidéos de YouTube, téléchargement de documents PowerPoint ? Ce dernier est d’ailleurs doublement mis en avant puisque, dans un souci de cohérence, les images empruntent le principe des diapositives et des phrases courtes du célèbre logiciel.

Seule devant son portable, la jeune femme n’a pourtant pas l’air concernée par la révolution technologique qui se trouve à sa portée. Peut-être qu’elle essaie de télécharger 10 Go de photos sur sa boite Hotmail, mais que cela prend un temps considérable ; d’où son regard lointain qui pourrait évoquer une forme de rêverie si on ne décelait la crispation de sa mâchoire genre « putain ça fait déjà 25 minutes, encore 5 et j’explose la lampe à ma droite ».

Les deux autres exemples d’utilisateurs qu’on rencontre ont, eux, passé le stade de la colère froide. On les sent atones ; au milieu d’un décor irréel à mi-chemin entre le Rotary Club et le lounge VIP d’un aéroport international – feu de cheminé, fauteuils en cuir, vestiaires de sport luxueux – ils véhiculent l’image d’individus blasés.
 
 
Et si les concepteurs de cette publicité avaient trop bien travaillé ? Ces affiches sont en effet une parfaite illustration de ce que décrit le journaliste Franck Frommer dans son livre « La Pensée PowerPoint : enquête sur un logiciel qui rend stupide » (La Découverte, octobre 2010). Fruit d’essais et d’articles anglo-saxons et d’investigations propres, l’ouvrage décrit à quel point l’utilisation du logiciel a façonné les modes de pensée et de communication depuis son lancement en 1987.

Grâce, par exemple, à une syntaxe réduite au minimum, à l’utilisation de l’infinitif  et à une hiérarchisation abusive de l’information, le message présenté sur PowerPoint perd son but pédagogique ou informatif pour n’être plus qu’un slogan. Surtout, de nombreuses sociétés de conseil aux entreprises se sont depuis longtemps approprié ce logiciel afin de mieux vendre leurs présentations à leurs clients ; d’après l’auteur, certaines d’entre elles ont même instauré de véritables « usines », en Inde notamment, où les employés préparent les documents en se servant des celles déjà existantes – vive la fonction copier/coller ! Le message véhiculé est donc toujours le même, quel que soit l’interlocuteur.

« Prends-moi pour un pigeon » nous dit l’une des affiches ; la phrase est-elle vraiment ironique ?