dimanche 28 novembre 2010

Nom de code: Noël


Certains inconscients restés hermétiques aux décorations des boutiques et des rues n’avaient pas perçu les signes avant-coureurs indiquant que, cette année encore, Noël arrivait tôt dans la saison.

Heureusement pour eux, la publicité s’est chargée de le leur rappeler. Outre la télévision et la presse, le lieu idoine pour ce faire est le métro parisien, qui offre à ses usagers un cours de rattrapage sur toutes les bonnes affaires auxquelles ils auront droit dans les semaines qui viennent.


Les campagnes publicitaires fleurissent donc sur les panneaux du métro, avec plus ou moins de réussite selon les budgets et la créativité mise en avant. Carrefour, par exemple, a tout claqué sur les nombreuses campagnes publiées tout au long de l’année et a dû se contenter d’une affiche et d’un concept un peu cheap. L’entreprise a tout de même choisi de disposer de la neige en guise de décor, empruntant l’un des codes visuels les plus courants de cette époque. On ne voit pas ces frêles vélos rouler allègrement dans la neige, mais l’essentiel n’est pas là : il faut relier la promotion à la joie des achats de fin d’année.

Le détournement, plus ou moins subtil, de références empruntées au folklore de Noël est en effet récurrent dans la publicité. Mode oblige, le Printemps a mis en scène les traditionnelles couleurs rouge et blanche pour habiller son égérie et mieux souligner son slogan « Noël au château » (« … et Pâques aux rabanes », ajouterait mon grand-père) présentant une version sexy et moins emprunte de bonhommie que l’habituel barbu rondouillard.

 
La publicité joue donc avec ces codes et les modernise en fonction des goûts de l’époque – savoir si elle les a empruntés à la tradition populaire ou les a imposés serait un long débat. Canal Sat a, depuis quelque temps, donné vie aux rènes de la Némésis du Père Fouettard. Avec une différence notable toutefois : ces dernières années, le troupeau débonnaire vantait les charmes des abonnements Canal Sat en chansons. Le texte était affreux et les animaux avaient manifestement abusé de l’aquavit, mais ça restait acceptable. En 2010, ils reviennent, et ils ne sont pas contents : body-buildés et butoxés, ils sont le fruit de la situation sociale et de l‘imaginaire commun. Le sentiment d’injustice prospère et l’individu se tourne désormais vers des solutions extraordinaires pour résoudre ses problèmes quotidiens : regarder la télévision.

L’esprit Canal pour sauver l’esprit de Noël et le moral des Français. Trop fort !


mardi 23 novembre 2010

Les cadavres exquis de la RATP


Le changement des affiches publicitaires dans les couloirs et sur les quais du métro confère au monde souterrain un caractère changeant et en perpétuelle mutation.

Chaque semaine, des salariés de la RATP procèdent à cette tâche d’une ampleur insoupçonnée et totalement déconsidérée qui modèle le décor de l’usager pour quelques  jours. Assister à cette activité s’apparente presque à un spectacle qui aurait sa propre chorégraphie (la danse de la brosse à colle) et son suspense (quelle publicité sera choisie dans la besace ?).

Ce renouvellement constant connaît toutefois quelques ratés. Selon que l’on se trouve dans une station en rénovation partielle ou totale, que l’image ait suscité la réaction d’un passager mécontent, ou qu’il fallait nettoyer les panneaux et supprimer les sous-couches d’affiches passées, il est fréquent de trouver des images étonnantes et imprévues qui défient toute logique. Ici, Paolo Conte rencontre Yves Saint-Laurent dans une boutique Mauboussin où les clients écoutent les vinyles d’Aldebert.  Là, Expédia offre des jeans Kaporal pour tout séjour parisien acheté sous les tropiques.

 
Plus loin, au hasard des couloirs, on trouve ce qui s’apparente à une pièce de musée à l’échelle du métro : les restes d’une affiche de Sol En Si de 1993 (??!!!), mutilée mais bien discernable. On ne comprend pas trop qu’elle ait pu survivre tout ce temps, mais elle est pourtant devant nos yeux, attendant un collectionneur amoureux ou un archéologue du métro pour finir dignement sa vie à l’abri. Quelles autres antiquités pourrait-on découvrir si l’on prenait le temps de gratter le verni de la juxtaposition des sous-couches de publicités ? 


Dans tous les cas, le choc des thèmes introduit un peu de rêve et de folie dans le voyage souterrain ; celui des couleurs détourne l’œil des murs de faïence blanche. L’usager reprend alors possession de ses esprits et peut divaguer le long de ces cadavres exquis salvateurs.

jeudi 18 novembre 2010

Humour, quand tu nous tiens



Parmi toutes les formes d’humour que l’on peut recenser, celle du calembour est peut-être  la plus difficile à mettre en pratique, et la plus ingrate. L’équilibre est en effet précaire : un jeu de mots considéré trop facile attire sur son auteur des regards appuyés (« tu t’es pas foulé ! ») ; s’il est trop compliqué, les commentaires sont lapidaires (« oh là là, mais où tu vas les chercher ! »). Dans tous les cas, il ne faut pas en abuser au risque de s’attirer une critique définitive (« bon t’es sympa, mais arrête maintenant, ça devient gonflant»).

Dans le monde de la culture, les artistes ont fréquemment recours au procédé. Jacques Demy par exemple était un grand amateur de calembours, au point d’avoir songé à intituler « Une Chambre en Ville » sorti en salles en 1982 « L’Edith de Nantes », comme l’évoquent Marie Colmant et Olivier Père dans leur livre Jacques Demy, tout entier (éditions La Martinière).

Ces dernières années, l’industrie du cinéma a employé massivement le calembour dans une démarche promotionnelle sur le créneau des films pour enfants et adolescents. Avec des résultats qui laissent perplexes.

 
Bon d’accord, l’exercice est ardu. Quasiment hors de tout contexte, les créatifs doivent résumer un élément clef de l’intrigue et démontrer que l’œuvre est bien une comédie, le tout en cinq à six mots. Mais bon, les campagnes d’affichage sont tout de même au ras des pâquerettes.


Un peu plus espacés, ces campagnes pourraient susciter une pointe de jalousie ou d’envie chez tous les amateurs de plantage (« respect, je l’aurais jamais tenté celui-là »). Mais ce type d’affiche est devenu tellement systématique qu’on imagine aujourd’hui les distributeurs de ces films passant leur temps à préparer des fiches entières de calembours, devançant même les projets des films. Vivement un autre mode de communication qui ne fasse plus tourner les spectateurs en calembourrique.

lundi 15 novembre 2010

Prenez un chewing-gum Emile




82 minutes. C’est le temps moyen que les Franciliens consacrent quotidiennement à leurs déplacements, d’après une étude que l’INSEE a publiée au début de l’année 2010. Si l’on ne prend en compte que les usagers des transports en commun, la durée s’échelonne entre 1h30 et 2h30 selon qu’on habite à Paris ou en grande couronne.

Les conditions mêmes de ces déplacements sont fluctuantes en fonction de l’itinéraire. Prendre la ligne 13 du métro ou le RER B le matin ou vers 18h30 peut s’apparenter à une réelle aventure pour les non-initiés – et à un calvaire pour les habitués. Rames combles et arrêts fréquents crispent considérablement les usagers au point de donner lieu à de fréquentes scènes d’énervement (lire à ce sujet « Les naufragés de la ligne 13 » de Benoît Hopquin du Monde, toujours d’actualité).

Dans tous les cas, le passager doit trouver une occupation pour meubler son temps de transport. Les tactiques varient en fonction des individus et de leurs humeurs : ici, détente ou repos (rab de sommeil, écoute d’un MP3, …) ; là, travail (préparation de la journée, révision de partiels et correction des copies).

Hollywood propose le chewing gum. 


L’idée consiste à offrir tout d’abord aux passagers un environnement olfactif apaisé loin des haleines fatiguées et autres remugles d’aisselles douteuses. Même dans un wagon comble, la conjugaison des expirations mentholées mèneraient immanquablement à une ambiance plus sereine et RTL-ophile (le fameux « vivre-ensemble ») ; l’usager s’adresserait spontanément à son voisin pour humer ses propos et lui prouver que lui non plus n’a pas mangé de fromage à midi – ou qu’en tout cas, il a su le digérer. Cette ambiance amicale permettrait alors de mieux accepter les éventuels désagréments du trajet, devenant même un prélude à un rapprochement plus intime entre passagers.

La drague comme ultime argument en faveur des transports en commun. Que dit l’automobile ?


mardi 9 novembre 2010

Ode aux fresques


On ne sait pas trop d’où leur vient leur charme.

La surprise de les croiser au hasard des promenades n’y est sans doute pas étrangère. Les fresques publicitaires ne sont plus légion dans les rues de Paris et des villes limitrophes, mais on doit certainement en manquer un grand nombre, le regard rivé vers le sol et les pensées occupées par les préoccupations du quotidien. On oublie d’ailleurs souvent où on les a trouvées. Le plaisir se trouve ainsi renforcé par ces rencontres fugaces et qui ne se reproduiront peut-être plus jamais.

Au détour d’une rue, on distingue leur aspect désuet témoin d’un autre temps : lavées par les intempéries et la pollution, les couleurs ont depuis longtemps cessé de matraquer leur message au profit d’une suggestion plus intime et délicate. Pour peu que le produit ou la marque n’existe plus, on se trouve confronté à un vestige de la société de consommation qui attendrit plus qu’il ne crispe – à l’instar des bornes be-bop qui s’accrochent encore à leurs tuyaux par-ci par-là.

La ville semble prendre sa revanche sur ces publicités qui autrefois la défiguraient. Grâce à ces images qu’elle a intégrées et assimilées, elle paraît aider les citadins à relativiser les campagnes publicitaires actuelles, leur confiant qu’il ne faut pas prêter attention à ce qui n’est rien d’autre qu’une agitation vaine, promise à devenir un vague souvenir effacé par le temps.


jeudi 4 novembre 2010

Ca plane pour lui


Le Grenelle de l’environnement est un échec.

C’est du moins ce que pensent 74% des Français, si l’on en croit le sondage réalisé par le magazine Terra Eco dans le cadre du dossier consacré à l’action présidentielle et gouvernementale sur les questions liées à l’écologie (« Comment Sarkozy a failli être écolo », n°19, novembre 2010). Le constat est sans concession puisque 71% des personnes sondées « estiment que le gouvernement n’a plutôt pas ou pas du tout respecté les engagements du [Pacte écologique] signé en grande pompe par tous les candidats à la dernière présidentielle ».

Certaines personnalités politiques de droite montent au front pour défendre l’action entreprise depuis 2007 – telles que la secrétaire d’Etat chargée de l’écologie Chantal Jouanno, qui déclare à Terra Eco que le gouvernement « a réalisé 90% de ce qu’[il] voulait faire » – mais l’impression demeure : les bonnes intentions initiales ont cédé le pas devant l’intérêt économique. Symboles de cette évolution, deux déclarations de Nicolas Sarkozy mises en exergue par le magazine : « Je veux que le Grenelle soit l’acte fondateur d’une nouvelle politique, d’un New Deal écologique en France, en Europe et dans le monde » (25 octobre 2007) et « Toutes ces questions d’environnement (…) ça commence à bien faire » (6 mars 2010).

Le gouvernement doit de nouveau gagner la bataille de l’opinion. Sa contre-attaque est, à ce titre, digne des meilleurs spin doctors anglo-saxons et pourrait se résumer à une seule publicité : Fructis de Garnier.


Depuis le début de la semaine, les usagers du métro et les piétons parisiens sont en effet invités à partager une expérience qui sent bon la nature et propose une solution à la pollution des transports. « Nouvelle énergie verte » à laquelle personne n’avait véritablement pensé, le shampooing ne se limite pas à une simple utilité hygiénique ; il rend les cheveux à même de tracter leurs propriétaires dans les airs sans rejet démesuré de CO2. On attend évidemment l’explication des scientifiques sur cette prouesse technologique qui ne résout pour autant pas tous les problèmes : comment les chauves vont-ils pouvoir bénéficier de ce progrès ? Quelles sont les solutions pour un pilotage sans danger (une chute de cheveux inopinées lors d’un voyage au-dessus de la Manche pourrait avoir des conséquences tragiques).

Jean-Louis Borloo a parfaitement lancé cette campagne dès dimanche dernier, sur le plateau de Dimanche +, où il arborait une nouvelle coupe de cheveux. Loin d’un supposé souhait de renforcer son statut de favori au poste de Premier Ministre comme ont pu le penser certains journalistes, il fallait y voir le retour du gouvernement sur la question fondamentale de l’environnement en s’attaquant à la racine (si l’on peut dire) du problème : le look du ministre.