vendredi 11 mars 2011

Pubs en cages


La durée de vie d’une affiche est courte.

Tout au long de l’année, les campagnes publicitaires se succèdent dans un ballet sans fin au rythme soutenu. Bien sûr, il y a des exceptions. Certaines publicités font de la résistance. Elles s’incrustent, sans qu’on sache trop si elles doivent ce rab inespéré d’existence au hasard ou à un poseur d’affiche magnanime.
Parfois, aussi, elles se retrouvent piégées dans les travaux de rénovation des stations.


Pour ces affiches, l’allongement de leur espérance de vie a un coût : l’amputation d’une partie de leur raison d’être, les palissades venant souvent soustraire au regard des voyageurs l’objet de leur message. Ainsi dépouillées de leur fonction, elles représentent une respiration dont les couleurs et les suggestions titilleront l’imagination et la curiosité des passants dans le meilleur des cas. A moins que ces images estropiées ne les plongent dans la plus grande perplexité en les renvoyant à de vagues souvenirs de publicités déjà oubliées.


La valse des affiches voit en effet se superposer les couches et les slogans… tout en précipitant ces derniers dans les limbes de la mémoire des voyageurs. Derrière leurs barrières, les affiches piégées endossent le rôle des derniers spécimens de campagnes (tré)passées et inaugurent une exposition involontaire sur les travers de la société de consommation à outrance : chaque campagne efface sa devancière, et tout produit promu en remplace un autre.

Le mouvement est-il aussi perpétuel qu’on veut bien le croire ? Rien n’est moins sûr.

mercredi 9 mars 2011

Interloqué et… dépité


Cette pub d’un groupe de télévision français bien connu m’interloque et m’interroge, voire me rend perplexe. Ce qui, au cours de mon trajet en métro du matin, n’est pas un mince exploit !

 
De quoi s’agit-il ? Pour ceux qui auraient échappé au film, Canal + fait sa pub autour d’un blockbuster mettant en scène un prodigieux et charismatique touche-à-tout mettant son talent au service de la fabrication d’armes made in US dernier cri. Seulement voilà, entre un verre de whisky raffiné et les jumelles de Playboy du mois de décembre, notre héros se heurte à la réalité de la guerre et nous fait une petite crise de conscience. Décidant qu’il a mieux à offrir au monde que ses armes, il finit par combattre, en deux volets, le fameux complexe militaro-industriel américain (contre lequel Eisenhower nous avait pourtant bien mis en garde en son temps).
Voila pour le pitch.
 
Au-delà de la profondeur du film et du message universel – fabriquons des biberons, pas des armes – qu’il véhicule, cette pub, disais-je, m’interloque.
Tout d’abord, le graphisme de l’affiche. Sur un joli fond bleu (je vous renvoie au post « Bleu de chauffe » de JuMa), celle-ci détourne avec un certain humour l’image du héros pour en faire une sorte de figure sainte couronnée d’une auréole vers laquelle rayonnent des missiles (atteindre le paradis avec/par des missiles ?). A cet instant, j’en viens innocemment à me demander si un marchand d’armes a jamais été canonisé ? A forcer le trait, on pourrait même entrapercevoir Tony Stark dans une posture d’icône byzantine…


Le message de l’affiche « un marchand d’armes qui sauve le monde, c’est forcément du cinéma » nous sort heureusement de nos divagations matinales pour nous ramener à la réalité : les marchands d’armes ne sont pas des saints. Ouf ! Mes convictions morales, un instant chamboulées, se remettent dans le bon sens ! Pas besoin de s’interroger sur les fondements moraux de la realpolitik, Canal+ plaisante, c’est une boutade : fabriquer et vendre des armes, c’est évidemment mal.

Les marchands de canon, c’est bien connu, n’ont que peu ou pas d’humour alors que Canal+ de son côté en a à revendre. C’est même la marque de fabrique de la chaîne cryptée. Donc, afin de vendre son catalogue de films, elle nous propose cette affiche pseudo-décalée, faussement outrageuse et vraiment simpliste où le bon sens moral, tout comme le super-héros américain moyen, l’emporte à la fin. 

Pure coïncidence ou cynisme publicitaire, les affiches sortent dans le métro au moment où les (gentilles) opinions occidentales découvrent (avec stupeur et effarement) que leurs gouvernements fournissent des armes à des régimes (méchants) qui n’hésitent pas ensuite à les utiliser contre les peuples qui se soulèvent.

Au final, plutôt dépité, je remets la tête dans mon bouquin avant de descendre à la prochaine.

Marcel

dimanche 6 mars 2011

Tordjman, Ben, Makine


La sécurité est un thème à la mode. A force d’en parler et de la mettre à toutes les sauces (sécurité des biens, des personnes, de l’emploi, …), elle teinte progressivement les discours de la vie quotidienne et les comportements d’une nuance de peur sournoise ; l’impact physique et matériel des questions sécuritaires est, lui, plus ou moins difficile à percevoir. Les caméras de surveillance, par exemple, savent être discrètes. D’autres n’hésitent pas à mettre les pieds dans le plat :

 
Pas besoin de slogan ici, tout est dit en deux mots et en lettres capitales : les portes Tordjman sont blindées. Difficile de faire abstraction de cette publicité affichée en masse dans le métro parisien ces dernières semaines au point de diffuser un halo rouge métal sur les quais et de favoriser un climat de suspicion latent. A terme, on pouvait craindre qu’une frénésie sécuritaire n’affecte les usagers et ne les incite à vouloir blinder tout ce qui bouge : portes de métro, sacs à main et fermetures éclair entre autres choses.

C’est au moment où la situation commençait à devenir critique qu’une autre affiche a vu le jour sur les panneaux du métro :


Lettres blanches sur fond noir, l’affiche ne verse pas dans l’optimisme béat. Cependant, le trait irrégulier et enfantin apporte une touche de fantaisie intéressante et qui se trouve renforcée par l’adverbe à la fin de la phrase : « Je me sens libre ici ». L’affiche étant une publicité pour une chaîne d’hôtels restaurants, Logis, doit-on comprendre que le sentiment de liberté, voire la liberté elle-même, n’est désormais réalisable que lorsqu’on est ailleurs que chez soi ? L’hôtel représenterait le refuge ultime où l’on pourrait endosser l’identité de notre choix et ainsi aller et venir sans que cela prête à conséquence loin du carcan et des contrôles quotidiens.

Dans son dernier ouvrage, Le Livre des brèves amours éternelles (paru au Seuil en janvier 2011), l’auteur russe Andreï Makine décrit comment un film français projeté en URSS, Mille milliards de dollars réalisé par Henri Verneuil en 1982 et comptant Patrick Dewaere parmi les acteurs, a « davantage contribué à la chute du mur de Berlin que tous les dissidents » (p.115). Il y était question d’un journaliste poursuivi par un tueur pour avoir enquêté sur les liens entre le monde politique, les services de renseignement américain et une multinationale au passé trouble. Le film avait passé avec succès la censure d’Etat – qui avait estimé qu’il illustrait les travers et la perversion du système capitaliste.

Habitué à la propagande du régime, le public avait appris à ne pas accordé trop d’importance à de telles intrigues. Mais une scène anecdotique provoqua une réaction inattendue dans la salle dont Makine fut le témoin : « Soudain, physiquement, je sentis que la salle se crispait, prise d’un spasme violent, musculaire (…) L’ovation qui éclata fut plus éruptive que n’importe quel concert de rock. Je vis des spectateurs sursauter, agiter les bras dans un salut fébrile, embrasser leur compagne avec une frénésie démente. Les applaudissements effacèrent tous les sons provenant de l’écran. Les gens riaient, hurlaient, et dans la pénombre, je croisai plusieurs regards brillants de larmes. La suite du film, sa fin déjà proche, n’avait plus d’importance » (p.113-114).

La scène en question voyait Patrick Dewaere puis un couple d’amoureux prendre une chambre d’hôtel dans un établissement anonyme de province sans que quiconque ne leur demande des papiers d’identité ou des autorisations officielles pour valider la démarche.

Voir en l’affiche de Ben un message subversif et libertaire est sans doute faux. Compte tenu de l’ambiance actuelle, mieux vaut pourtant la prendre comme tel et y voir un slogan contre le blindage intensif des portes et des mentalités.

mercredi 2 mars 2011

Une affiche qui a du chien


La publicité guette les modes.

L’une des dernières tendances à laquelle elle fait référence a une caractéristique, sinon un nom : l’animalisation de l’homme. Les exemples ne manquent pas en ce moment, notamment grâce à la campagne d’affichage intensive de Grand Optical.

Oui, ce chien porte des lunettes.
Le problème est que je n’arrive pas à comprendre pourquoi une enseigne de lunettes souhaiterait représenter ses clients, actuels ou potentiels, sous les traits du meilleur ami de l’homme. Peut-être ces clients sont-ils tellement satisfaits des services proposés qu’ils demeurent attachés à cette marque, faisant preuve d’une fidélité à toute épreuve ? Si la finalité du message reste ici une énigme, il est en revanche intéressant de la rapprocher des thèses développées par Pierre Schulz, médecin spécialisé en pharmacologie et en psychiatrie, et auteur de Consolation par le chien (édité aux PUF en 2010).

L’ouvrage met en avant la « caninisation » de la société, phénomène « d’envahissement du monde humain par des éléments canins » qui a permis de faire du chien un élément fondamental dans l’équilibre psychique de l’homme : alors que, par le passé, les bénéfices que retiraient l’homme de cet animal étaient matériels (le chien gardait le troupeau ou montait la garde), les apports présents sont avant tout abstraits et ont trait à l’affect. La présence d’un chien rassure, tranquillise et simplifie le rapport à la vie, entre autres avantages.
Cette évolution dans les rapports entre l’homme et son animal de compagnie trouve un écho en sens inverse : l’humanisation du chien ; on prête à ces compagnons l’envie de profiter de la société de consommation au même titre que leur maître, et d’avoir ainsi accès aux marques d’eau minérale et de bières pour chiens qui se sont développées ces dernières années (pour les lunettes, Grand Optical a réglé la question).

Compte tenu de ces nouvelles formes d’échange entre homme et chien, Pierre Schulz n’hésite pas à proposer l’idée d’une société « anthropocanine », potentiellement dangereuse dans les cas extrêmes où la relation entre un maître et son chien primerait sur les rapports que l’homme entretiendrait avec ses congénères. Au théâtre Hébertot se joue d’ailleurs une pièce sur ce thème, « Toutou ».


L’homme ne manquant pas de compagnons à poil ou à fourrure, on pourrait tout à fait étendre ces thèses aux chats, lapins et autres poissons rouges qui peuplent nos appartements et nos maisons (bien qu’il soit difficile de faire boire de la bière à un poisson).
Il faut donc s’attendre à voir d’autres publicités présentant l’homme sous la forme des animaux les plus divers, de manière plus ou moins habile. Dans le cas ci-dessous, je ne suis à nouveau pas sûr de la pertinence du propos :



Le mouton comme symbole de l’audace et de l’affirmation de son identité quand vient le temps de choisir une formation, il fallait oser. On attend avec impatience les prochaines campagnes d’affichage.

mercredi 23 février 2011

Small is beautiful


L’Ile de Pâques, l’Atlantide, les frères Bogdanov : le monde recèle de mystères qui interpellent l’inconscient collectif et qui génèrent les théories les plus diverses, et les plus alambiquées.  

Le réseau RATP, et notamment le métro, foisonne d’énigmes venant titiller l’imagination des usagers qui aiment se poser des questions inutiles pendant leurs trajets. Par exemple : comment les couleurs des lignes de bus sont-elles attribuées ? Un peu moins futile peut-être, mais tout autant source de questionnements sans fin : pourquoi certaines stations des lignes 10 et 12 voient-elles des affiches de petites taille être placardées sur les quais ?


Une explication poétique de ce phénomène impliquerait l’existence d’un monde inconnu dans le réseau souterrain du métro parisien ; à l’image des chapardeurs du dernier film des Studios Ghibli (Arrietty, sortie en salles le 12 janvier dernier), un peuple d'êtres minuscules aurait composé une société invisible aux yeux des « grandes personnes ». Ces dernières ne sauraient pas interpréter les témoignages de leur présence – parmi lesquels les affiches de petite taille qui ne sont pas une erreur de la RATP mais des publicités vantant des produits à taille réduite idéale pour ces individus.

Le phénomène des petites affiches n’est pas nouveau ; il est toutefois difficile de lui trouver une explication logique et rationnelle, la seule venant à l’esprit étant que la gestion des publicités à placarder est un travail flou difficile à planifier. D’une semaine sur l’autre, les poseurs d’affiche se retrouveraient avec des chutes d’affiches sur les bras dont ils ne sauraient que faire sinon les placarder sur des supports inadaptés, mais dans des stations peu fréquentées – Solferino ou Maubert-Mutualité.

 
Puisque le pourquoi nous échappe, concentrons-nous sur le résultat.

Perdues dans un océan de blanc, ces affiches attirent davantage l’œil du voyageur que dans un environnement conforme à leur taille. L’incongruité de leur situation capte l’attention et renforce les effets visuels. La sculpture grimaçante issue de l’exposition Messerschmidt trouve un écho encore plus retentissant au sein de ces cadres démesurés. Ici, l’usager se trouve confronté à des images à sa taille et qui ne perdent pas en lisibilité lorsqu’on s’en approche.

Un tel procédé peut-il proliférer dans les autres stations et sur les autres lignes ?

vendredi 18 février 2011

Contester à travers la publicité


Les panneaux publicitaires vantent des produits, plus rarement des idées.

De loin en loin, des affiches contestataires voient parfois le jour ; leur but est d’influer sur les comportements et de susciter une mobilisation qu’on pourrait qualifier de citoyenne sur une question de société fondamentale. Pour mieux convaincre le public de la justesse du combat mené, les promoteurs de ces campagnes ont recours aux actions sur le terrain (manifestation, grèves, …) ou à des prises de parole dans les médias ; plus rarement à l’affichage publicitaire. Or il se trouve que cette semaine, deux campagnes squattent les panneaux parisiens :



L’alerte sur l’utilisation des OGM et leur consommation est le fait de France Nature Environnement (FNE), fédération regroupant près de « 3000 associations de protection de la nature et de l’environnement en France métropolitaine et en Outre-mer » créée en 1968, et reconnue d’utilité publique depuis le milieu des années 1970. 
La deuxième campagne, portant sur le fret, est le fruit de l’initiative conjointe du Comité Central d’Entreprise de la SNCF et du Comité d’Etablissement de Fret SNCF.


A priori, il n’y a pas grand-chose en commun entre ces deux démarches. Et pourtant…
Les deux campagnes font des enjeux environnementaux et sociaux des questions cruciales de leur message : « dégradation de l’environnement » et « abandon du service public » dans le cas du fret ; danger sanitaire pour la population humaine et animale dans celui de FNE. Surtout, toutes deux illustrent leur propos par la violence. Au feu nourri d’un sniper prenant un wagon pour cible, un homme répond en se pointant un épi de maïs sur la tempe dans un acte sans équivoque qui a provoqué une réaction outrée du ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire se déclarant « profondément choqué » par une campagne « scandaleuse (…) qui ne tient aucun compte de la situation matérielle des paysans (…), qui repose sur des amalgames [et] des simplifications. Pour le ministre, de telles campagnes « refusent le dialogue, pointent du doigt les agriculteurs et réduisent l’agriculture à de la pollution ».

Cette réaction, à quelques heures de l’ouverture du Salon de l’agriculture, est somme toute logique de la part de Bruno Le Maire. On peut néanmoins objecter que le débat sur les OGM mérite appartient aux consommateurs et aux défenseurs de l’environnement autant qu’aux agriculteurs.

Les références à la violence, elles, ne peuvent en tout cas pas être de simples coïncidences. Leur emploi dans ces deux campagnes sorties simultanément est un témoin des fortes tensions et du malaise qui courent à travers la société française actuellement. S’agit-il aussi d’une tendance lourde dans la publicité ? Difficile d’y répondre à ce stade bien qu’une dernière affiche, apparue cette semaine également, évoque à se manière la révolution. Dans ce cas-là, pourtant, des têtes ne vont sans doute pas tomber.

mardi 15 février 2011

Souscrivez, vous êtez (r)assurés


Il y a de cela quelques années, alors que j’étais encore étudiant, un de mes professeurs avait étonné l’amphithéâtre en déclarant que, désormais, un tiers de la richesse créée dans le monde provenait du secteur des assurances. Un tel chiffre en disait long sur les mœurs d’une époque qui voyait les individus consacrer une part toujours croissante de leurs revenus à se prémunir des incidences de la vie.

Le métro parisien se fait l’écho quotidien de cette pratique par le biais de nombreuses campagnes d’affichage promouvant les sociétés d’assurance.

SOS Malus, entre autres, investit fréquemment les rames pour mieux atteindre les automobilistes frustrés par la révocation de leur assurance et qui enragent de devoir se fader les transports en commun. La vision de cet homme qui renoue avec sa fidèle compagne apaise et renvoie tous ces cas désespérés à la garantie de voir le bout d’un long tunnel souterrain.

 
Economiquement, le secteur de l’assurance a donc le vent en poupe. 
Politiquement, les valeurs qu’il véhicule rencontrent un vif succès depuis quelques mois, et ce grâce aux difficultés budgétaires et financières que rencontre l’Etat. L’exemple le plus récent date du lundi 14 février : Jean-François Copé déclarait à la matinale de France Inter que, de même qu’il est obligatoire d’assurer son véhicule, une loi pourrait exiger la souscription d’une assurance « dépendance » pour pallier les dépenses induites par ce type de problème. Ces propos venaient soutenir la volonté de François Barouin de trouver des financements privés de nature « assurantielle » sur ces questions.

Proposer des solutions assurantielles au vieillissement de la population revient à nier la question de société sous-jacente, sur fond d’assainissement des comptes publics. L’enjeu est pourtant caractéristique des sociétés occidentales et implique une réflexion en profondeur sur la place que la collectivité accorde aux vieilles générations et à leur prise en charge.

Au stade actuel, nul texte de loi n’est encore prévu. Néanmoins, si une telle démarche devait aboutir, nous pouvons d’ores et déjà avoir une idée des affiches qui pourraient fleurir dans les rames du métro, les « seniors » remplaçant les animaux :


samedi 12 février 2011

Tagada, Tagada, voilà la Saint-Valentin


La date fatidique approche. Dangereusement même. Il ne reste plus que 48 heures à ceux qui n’ont encore rien prévu (ou rien trouvé) pour dénicher une idée de cadeau inventive et pas trop tarte qui prouve à l’élu(e) de leur cœur que le feu de leur relation ne s’est pas éteint sous les intempéries de la vie.

Or cette semaine, les panneaux publicitaires du métro n’ont pas vraiment aidé ces usagers à la recherche d’une idée miracle. Les affiches auraient pu doper le rapprochement entre passagers et inciter ces derniers à une drague effrénée ; au lieu de cela, les allées et venues sont restées aussi mécaniques que lors d’un banal 17 janvier, tandis que les regards des voyageurs n’affichaient aucune trace de passion ou de lubricité.

Car comment s’enthousiasmer quand la seule publicité d’envergure traitant de la Saint-Valentin se trouve être celle de Haribo ?

 
C’est sympatoche d’offrir des fraises Tagada. Le côté sucré et acidulé confère une touche mignonne et enfantine au geste ; il ne résout pourtant rien sur le fond puisque le but est ici de montrer artificiellement à l’âme sœur qu’il n y a qu’elle qui compte. Faire passer un tel message avec une fraise Tagada c’est, comment dire, un peu court jeune homme – en dépit des cœurs innombrables mis en avant par l’affiche et de la promesse de câlins tendres et moelleux.

Une recherche un peu plus poussée aboutit sur une autre image :

 
A tous ceux qui souhaitaient préparer un repas à leur moitié, Picard suggère un dessert lourd de symboles et riche en communion, la pomme d’amour. Merci tout d’abord à Picard de sortir de sa réserve – ses publicités sont rares dans l’enceinte du métro – pour essayer de sortir les consommateurs de l’impasse. Mais là encore, la proposition tient plus du gadget que de la bonne idée qui fera fondre l’être aimé. Que nous reste-t-il pour trouver l’inspiration ?

Pas le métro en tout cas. La Saint-Valentin, contrairement à Noël, ne donne pas lieu à une débauche de moyens publicitaires pour stimuler la consommation des ménages. Peut-être est-ce dû à son côté plus artificiel et moins fédérateur ; on peut également envisager que cette fête favorise davantage les petits commerçants, chocolatiers et fleuristes en tête, par rapport aux grandes enseignes ; un troisième argument consisterait à dire que tous les produits ne se prêtent pas à la célébration de l’amour : on peut offrir un lave-linge à son compagnon ou à sa compagne à Noël pour le bien du ménage ; faire la même chose à la Saint-Valentin dénoterait un sérieux manque de goût et une compréhension des rapports humains proche de néant.

Prenons l’exemple de l’affiche suivante :

 
On pourrait croire que le symbole du cœur est une référence explicite à la fête des amoureux. En y réfléchissant de plus près, mieux vaut ne pas accréditer cette thèse et ne voir en l’affichage de cette image qu’une coïncidence étonnante : offrir une fraise Tagada pour la Saint-Valentin, ça peut encore passer. Un Activia, en revanche, c’est tout de suite moins attendrissant.

Il faudra donc attendre lundi prochain, et le renouvellement partiel des affiches dans le métro, pour espérer tomber sur une suggestion intéressante !

mercredi 9 février 2011

Bleu de chauffe


L’une des critiques le plus fréquemment formulées à l’encontre de Paris, outre l’antipathie des garçons de café, la rareté des taxis le soir, les prix affiché par les restaurants, ou le stress ambiant des passants dans la rue et des usagers dans les transports en commun, doit certainement être le temps gris qui règne constamment au-dessus des toits de la ville. De là à penser que les nuages affectent la bonne humeur, pourtant proverbiale, des Parisiens, il n’y a qu’un pas que beaucoup n’hésitent pas à franchir.

Pour éviter qu’une déprime carabinée ne saisisse l’ensemble de la population, divers réserves de couleurs ont été aménagées à travers la ville. Les squares et les parcs approvisionnent les habitants en vert ; les affiches publicitaires, elles, regorgent de bleu. A tel point qu’en plus d’utiliser ce dernier en masse, elles n’hésitent pas à faire de cette couleur un argument marketing à part entière. Il y avait Bleu Ciel d’EDF, mais on ne connaissait pas forcément la Mutuelle Bleue. Celle-ci en met une deuxième couche en ce moment :

 
La récurrence du bleu dans les propos publicitaires n’est pas fortuite lorsqu’on lit les interviews ou les textes de Michel Pastoureau. Dans son livre Bleu, histoire d’une couleur (éditions du Seuil, paru en 2000), l’historien anthropologue établit qu’après avoir été longtemps déconsidéré, le bleu est devenu extrêmement populaire à partir du XIVème siècle grâce au développement du culte à la Vierge Marie et a su s’imposer comme la couleur favorite en Occident.

C’est aujourd’hui la couleur de référence « pour les personnes physiques comme pour les personnes morales : les organismes internationaux, l'ONU, l'Unesco, le Conseil de l'Europe, l'Union européenne, tous ont choisi un emblème bleu ». Ce succès s’expliquerait par le côté consensuel du bleu, « une couleur qui ne fait pas de vague, ne choque pas et emporte l’adhésion de tous (…). Quand les gens affirment aimer le bleu, cela signifie qu’ils veulent être rangés parmi les gens sages, conservateurs, ceux qui ne veulent rien révéler d’eux-mêmes » (citations tirées de l’article « Le bleu : la couleur qui ne fait pas de vagues », entretien avec Michel Pastoureau, Dominique Simonnet, L’Express, publié le 5 juillet 2004, http://www.lexpress.fr/culture/livre/1-le-bleu-la-couleur-qui-ne-fait-pas-de-vagues_819768.html).

Toutes ces qualités conviennent parfaitement à une mutuelle. Essayons de mettre en pratique ces observations à d’autres publicités ayant recours au bleu:

Sur cette affiche de Shakira, le but est de rassurer les usagers du métro sur les intentions et la personnalité de la chanteuse : OK, elle a des dreadlocks ; d’accord, elle saute partout ; mais le ciel bleu derrière elle suggère qu’elle n’est en fait qu’un produit formaté et à la démarche artistique très convenue, comme le prouvent les textes de ses chansons.

Dans des situations plus délicates, les vertus fédératrices et rassurantes du bleu sont mises à rude épreuve. Les concepteurs de l’image ci-dessous ont forcé sur la couleur, mais quelle autre solution s’offrait à eux pour essayer d’atténuer le caractère angoissant de l’œil géant, et même de la manifestation elle-même ? Le résultat est bl(e)uffant. La méthode, elle, est validée.


P.S. Le titre est tiré du livre de Nan Aurousseau, paru en 2005 chez Stock




dimanche 6 février 2011

Liberté, égalité, beauté?


C’était à l’automne dernier. Avant de rentrer chez moi après une journée passée à traquer les affiches dans les stations de métro et les rues de Paris, j’avais voulu faire un détour en banlieue proche, histoire de changer un peu de décor. Il était trop tard pour que la balade durât encore longtemps mais la curiosité l’avait emportée et m’avait conduit à la ligne de tramway T2. Pour un résultat décevant de prime abord : la ligne était coincée entre le périphérique et des immeubles de bureau hideux qui niaient à l’environnement toute vie de quartier.

Je descendis rapidement de la rame et m’apprêtai à faire demi-tour quand la vue d’une affiche au slogan incongru me força à m’arrêter :

La concurrence dans le secteur des cosmétiques était-elle à ce point exacerbée pour que les laboratoires Yves Rocher proclame sans sourciller que la devise républicaine devait désormais délaisser la fraternité au profit de la beauté ? Une telle proclamation n’actait-elle pas ouvertement les mutations d’une société qui voyait l’apparence et la perfection physique prendre le pas sur la collectivité et l’amitié envers son prochain ?
A l’inverse, pouvait-on souscrire à la thèse du combat pour la beauté – terme flou et en perpétuelle évolution s’il en est – en tant que lutte permettant à une catégorie de la population d’être mieux acceptée par la société ?

Dans son livre La Guerre de la beauté – Comment L’Oréal et Helena Rubinstein ont conquis le monde (Denoël, janvier 2011), Ruth Brandon estime que dans l’esprit de Helena Rubinstein, les produits de beauté avaient pour principal but de donner confiance aux femmes afin de les aider à s’imposer dans le monde extérieur au foyer. Cette émigrée polonaise qui s’enfuit du ghetto de Varsovie à 18 ans et lança des salons de beauté à travers le monde, devenant ainsi la première femme millionnaire, devait considérer que le maquillage participait à l’émancipation de la femme en lui permettant de prendre possession de son corps et d’en disposer comme elle le souhaitait.

Or, si le XXème peut être considéré comme une époque charnière dans la démocratisation de la beauté et l’acceptation toujours plus grande des femmes dans la société, que dire des années 2000 ?

L’image est belle mais irréelle. A force de retouches – Monica Bellucci confiait récemment que tous les clichés des publicités et des magazines étaient aujourd’hui photoshopés (« Le Grand Entretien », France Inter, 9 novembre 2011) –, les traits s’estompent et les visages se lissent au point de gommer âge et émotions. La figure désormais renvoyée est un halo fantomatique.
Face à ces représentations inaccessibles et à une forme de dictature de l’apparence, d’où le salut peut-il venir ?

 
Dans cette publicité Nivéa, l’accent n’est plus mis sur la beauté à tout prix selon un canon incarné et pourtant inexistant mais sur le bien-être qu’une personne ressent quand elle prend soin de son corps. Je ne sais pas ce que vaut l’argument naturel ; on ne peut en tout cas pas dénigrer le recours à des ingrédients bio dans des produits de maquillage, même si l’on sent aussi l’intérêt marketing dans la démarche.
Le thème pourrait en tout cas faire des émules et infléchir légèrement les représentations de la beauté. L’horizon des photos plausibles et plus simples se rapprocherait-il ? Quant à changer la devise républicaine au fronton des bâtiments publics, on s’en occupera quand la question de la fraternité sera réglée. Mais ceci est une autre histoire.

jeudi 3 février 2011

La Pinacothèque: musée haut, musée bas


Ce qui suit ne peut qu’être une mauvaise chronique. Le terrain est glissant, ma légitimité à évoquer le sujet douteuse.

Mais comment ne pas évoquer l’offensive publicitaire de la Pinacothèque sur les murs des stations de métro parisiennes depuis quelques semaines ? Qui peut dire qu’il n’est pas au courant que depuis le 26 janvier, cet édifice propose une nouvelle exposition temporaire de peinture – le thème n’étant d’ailleurs pas très clair, mais nous y reviendrons ? L’assaut est de taille et a réussi à reléguer les autres expositions au second plan, dont celle du Musée du Luxembourg sur « Cranach et son Temps » pourtant elle-même peu avare en affiches.


Le fait est que, depuis plusieurs années, les expositions temporaires ont pris une ampleur inédite dans le paysage culturel français et dans la vie des musées, représentant dorénavant une source de revenus essentielle pour ces structures. Même lorsque leur montage est coûteux, le prix des billets permet généralement de fidéliser un public et de compenser le manque à gagner provenant de la tendance à l’accès libre pour les collections permanentes.

Cette dynamique est-elle en train de provoquer une bulle culturelle, chaque musée devant à tout prix monter ou acheter une exposition capable de mobiliser les foules, au détriment du sens budgétaire commun ? A voir le nombre d’expositions temporaires proposées en ce moment à Paris, on pourrait le penser. Pour autant, l’immense succès de l’exposition Claude Monet au Grand Palais, qui a réuni plus de 900000 visiteurs, justifierait cette démarche. On ne peut toutefois occulter la question de la valeur artistique et scientifique de ce genre de manifestation.

Or c’est là que le problème se pose, dans le cas de la Pinacothèque en tout cas. J’avoue ne m’être rendu qu’une seule fois à une exposition proposée par cet établissement, Les Soldats de l’Eternité : l’armée de Xi’an. Le clou du spectacle se réduisait à une dizaine de soldats en terre cuite qui se battaient en duel ; bien sûr, on pouvait observer des bijoux et des objets de la vie courante, mais cette exposition décevait. On venait voir une armée ; on avait devant soi une équipe de football. De fait, on se retrouvait dans une « expotin », une manifestation qui bénéficiait d’une campagne de promotion importante et qui se révélait très utile pour briller en société, mais dont l’impact émotionnel et culturel était beaucoup plus limité. Le marketing et les thèmes aguicheurs représentaient ainsi les deux moteurs principaux de la Pinacothèque… jusqu’à récemment. 


La dernière campagne sur les collections des Esterhazy et des Romanov est, en effet, assez complexe à cerner : est-ce un groupement de collections ? Le thème est-il le rôle des familles princières dans la collecte et la commande d’œuvres d’art ? Pas facile de se faire une idée à la simple lecture des affiches qui reprennent les mêmes codes et la même présentation.
Ce n’est qu’en cherchant sur le site internet de la Pinacothèque qu’on apprend qu’il s’agit de deux expositions séparées, soumises à deux tarifications (l’achat d’un billet cumulant les deux manifestations étant toutefois possible). Voilà qui est d’une logique commerciale imparable.

Alors même que la Pinacothèque revendique son statut de musée disposant d’une collection permanente, il lui reste encore à prouver qu’elle est plus qu’un simple réceptacle de « coups » culturels. Si vous avez un avis sur la question, n’hésitez pas à m’en faire part.

dimanche 30 janvier 2011

Nesfluid, vers un métro plus beau?



Chaque jour, l’usager de la RATP se trouve confronté à une série d’ennemis redoutables qui, tous, entravent son parcours.

Le plus simple est bien évidemment l’oubli du titre de transport, qui peut définir la tonalité d’une journée entière : l’usager scrupuleux décidera de se confronter à la queue devant le guichet, ratera une rame, puis une autre, puis… Une fois au bureau, il sera peut-être pris à partie par son responsable qui n’hésitera pas à considérer ce retard comme une preuve manifeste de laxisme, voire une faute professionnelle dont il se souviendra le moment venu.

Pour les moins scrupuleux, ou les plus pressés, des usagers oublieux de leur passe Navigo, le franchissement des tourniquets provoquera peut-être une rencontre fortuite avec des contrôleurs ; la bonne humeur et l’entrain de ces derniers à rappeler les règles d’utilisation des transports en commun ponctueront d’une note allègre le début d’une journée placée d’ores et déjà sous les meilleurs auspices.

L'ennemi principal en ce moment est plus vicieux : le petit courant d’air qui s’immisce dans les stations et provoque de belles épidémies de rhume. L’usager avisé sait qu’il lui faut prendre garde aux variations de température qui jonchent son trajet : au sortir de la 4 et de son atmosphère surchauffée, mieux vaut, par exemple, se munir à nouveau de son écharpe s’il faut s’aventurer sur la 8 ou la 9. Le novice est immédiatement sanctionné d’un coup de froid – qu’il peut partager de bon cœur avec la rame entière.

Certaines sociétés ont flairé le bon coup et tentent de se concilier la population chroniquement malade :
En cette saison, l’impact est assuré. On peut même suggérer à la RATP la mise en place d’un partenariat avec des laboratoires pharmaceutiques pour disposer des distributeurs de comprimés dans l’enceinte du réseau.
Toutefois c’est bien connu, mieux vaut prévenir que guérir. D’autres sociétés l’ont compris et laissent entrevoir un monde sans coup de froid :

 L’aspect classique et humble de l’affiche ne doit pas égarer l’esprit : le produit inaugure un âge nouveau en proposant le portrait robot de l’usager du métro dans le futur ; des personnes bien dans leur corps, physiquement épanouies, arborant un sourire contagieux (denrée rare s’il en est dans les couloirs du métro à notre époque) et surfant sur des rames individuelles aux couleurs chatoyantes. Mais quel est le secret d’un tel concentré de bonheur et de vitalité ?

La réponse tient en un mot : l’hydranutrition. Un concept apparemment en vogue dans les cosmétiques et qui reposent sur la base étonnante qui veut que lorsqu’on mange un aliment, on se désaltère par la même occasion puisqu’on ingère l’eau qu’il contient. C’est révolutionnaire et les consommateurs d’agrumes voient déjà leurs clémentines différemment.

C’est en faisant une recherche rapide sur Internet qu’on comprend l’embrouille. Certains articles révélant la composition du liquide (tels que http://curiositesmarketing.wordpress.com/2010/09/23/nesfluid/), indique que tout cela n’est autre qu’un vague jus de fruits enrobé d’une bonne couche de marketing et supposé receler de pseudos vertus médicales.

La déception est grande : pas de nouveau métro ni de nouveaux usagers en perspective donc. Quant au rhume, il n’est toujours pas réglé. A moins d’une distribution de vrais jus de fruits dans les stations ?

lundi 24 janvier 2011

Prix cassés; salariés soldés



Cette année encore, tout a été fait pour proclamer haut et fort le lancement des soldes d’hiver, le mercredi 12 janvier dernier. Rien ne nous a été épargné : campagnes d’affichage intensives, reportages dans les médias et interventions multiples de l’équipe gouvernementale – comme on peut le voir dans cet extrait du Petit Journal de Canal + : http://www.youtube.com/watch?v=0eVCyxbynNU).

L’appel à la mobilisation nationale pour sauver une économie chancelante et ne fonctionnant plus que grâce à la consommation des ménages a, semble-t-il, été entendu. La foule s’est ruée dans les magasins dès leur ouverture, sans que les vigiles ou les autorités aient à déplorer trop d’incidents ; il y eut bien, ici ou là, quelques échauffourées à propos d’un pull en cachemire ou d’une parka rouge fluo, mais rien qui ne se soit réglé rapidement.

Du côté des enseignes, il ne suffit plus de placarder « soldes » et de broder sur une identité graphique façon collage ou Deauville en été pour attirer le chaland. On hurle le mot au BHV ; on ajoute des qualificatifs extrêmes à la fois évocateurs et abscons : « suprêmes » pour le Printemps et « absolus » pour le Bon Marché. Personne ne sait vraiment ce que cela signifie, mais ça fait bien. Peut-être ces Grands Magasins bradent-ils les murs ou les salariés ?


L’écoute d’un reportage radiophonique récent fournit quelques indices à ce sujet. Le lundi 17 janvier, Raphaëlle Mantoux donnait la parole à des représentants du collectif Génération Précaire venus au Printemps dénoncer le recours par la Direction du Grand Magasin à des stagiaires en lieu et place d’intérimaires et de contractuels pendant le mois de soldes (reportage diffusé au cours de l’émission « Comme on nous parle » sur France Inter – http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/comme-on-nous-parle/). Cette pratique permet de diviser par six les coûts du travail – et de mieux amortir les baisses de prix.

L’emploi de stagiaires n’est pas limité au seul secteur de la mode et de la vente. Néanmoins, cet exemple illustre parfaitement la perversion actuelle du système et dénonce l’erreur de penser qu’il existe une situation spécifique à l’emploi des jeunes : l’usage de stagiaires se fait aussi bien au détriment des ex-étudiants que de leurs aînés embauchés depuis des années par ces enseignes.

D’après Rapahëlle Mantoux, le Directeur des ventes du Printemps a reçu le collectif le samedi 15 janvier mais ne pouvait pas commenter cette décision. En attendant, la deuxième démarque arrive…


jeudi 20 janvier 2011

Dreams are my reality



Au début, je les ai trouvées drôles ces deux affiches. Le coté scato, récurrent sur les deux images, renforçait le côté incongru des situations de l’astronaute et du vétérinaire qui s’attendaient à tout sauf à rendre son déjeuner pour l’un ou essuyer un tir de barrage de son patient pour autre.

Le cadre de cette deuxième scène n’était pas mal non plus : cette vieille étable hors du temps, simplement traversée d’un rayon de soleil complice qui vient rehausser les mésaventures de l’apprenti-docteur. Ce que l’annonceur perdait en finesse, il le gagnait en efficacité.

J’ai ensuite remarqué le slogan sur l’orientation professionnelle, thème fondamental par les temps qui courent. Je me suis dit que c’était effectivement un sujet important et qui méritait réflexion. Tenez, moi par exemple : je ne m’y suis pas assez préoccupé et en ai ressenti les effets sur toutes mes études. Tant mieux donc si une campagne publicitaire portait à l’attention des jeunes le besoin de penser à leur parcours afin de limiter la casse.

Mais quelque chose n’allait pas.
Le choix des professions tout d’abord, loin d’être anodin : vétérinaire et astronaute. Deux des boulots les plus populaires chez les enfants et sources intarissables de rêves. Est-ce que ce n’était pas un moyen de refuser aux jeunes la possibilité de se projeter dans une profession enthousiasmante différente et loin d’une vie de caissier ou d’éternel stagiaire ? J’ai ressenti l’impression de me retrouver plongé dans l’incohérence et l’hypocrisie du discours politique ambiant sur l’emploi en général, et celui des jeunes en particulier, soulignant que de nos jours, le travail ne pouvait être appréhendé que du point de vue de son utilité au sein de la  société.

Et puis ce slogan :


Quelles solutions s’offrent aux parents inquiets pour l’avenir de leur progéniture quand celle-ci quitte le giron de l’éducation nationale et part à la recherche d’un boulot ? Un choix de carrière raisonnable et raisonné, accepté par la société et validé par les statistiques (puisque tout, y compris le sport, ne s’évalue plus qu’à cette aune aujourd’hui), qui éradique toute prise de… risque. L’individu ne peut plus se permettre de se tromper ou de lanterner, bref, de rêver. Prochaine étape : la souscription de forfaits « futur chômeur » par ces mêmes parents auprès des compagnies d’assurance qui guettent déjà une nouvelle aubaine.

En fin de compte, ces deux publicités sont à vomir.

lundi 17 janvier 2011

Coup de déprime au Wall Street Institute

Un véritable tremblement de terre s’est produit dans les couloirs du métro ces derniers jours. Le phénomène fut d’une telle violence qu’il y a fort à parier que de nombreuses répliques secoueront le monde de l’affichage publicitaire dans les semaines à venir. Les effets sur les usagers sont, eux, plus difficiles à cerner.

Ce fut presque au saut du lit que la grande majorité des voyageurs a découvert le phénomène. La perplexité et l’inquiétude ont gagné les esprits d’autant plus rapidement que la surprise fut totale, aucun signe avant-coureur n’ayant annoncé le phénomène : pas de fuite massive de souris ou de rats dans les stations ni de contrôleurs RATP hurlant à la mort. Or ce matin-là, un monde naquit sous les regards incompréhensifs en perte de repères – et déjà nostalgiques d’un temps plus simple où chacun était à sa place : le Wall Street Institute lançait une campagne d’affichage grand format.


De nombreuses questions eurent tôt fait d’assaillir les esprits des usagers : pourquoi ce changement de format ? Cela voulait-il dire que le Wall Street Institute allait abandonner les affichettes, et balayer du même coup tous ces souvenirs de trajets souterrains passés à contempler ces petites images aux jeux mots de faciles ? Est-ce que ce désengagement dans les rames du métro expliquait la montée en puissance d’autres sociétés (Direct Energie notamment) ?

Et pourquoi ce changement de ligne éditoriale ? On cherche désespérément la joie d’apprendre dans ce paysage bouché et hérissé de parapluies comme autant de fourches caudines interdisant l’accès à l’apprentissage des langues. De cette publicité, et de la pluie battante qui tombe sur la foule anonyme, se dégage plutôt une forte morosité ; on devine que la dépression guette l’Institut, au point qu’il n’arrive pas à cacher son vague à l’âme dans les nouvelles dimensions de sa stratégie de communication. A ce rythme-là, on peut s‘attendre à voir dans quelques temps une affiche figurant les usines délabrées du nord de l’Angleterre aux fenêtres brisées.

Avant que le Wall Street Institute ne passe à la vitesse supérieure dans le défaitisme, les usagers peuvent toujours profiter des grimaces malicieuses qui semblent dire : « quitte à raquer pour apprendre une langue, autant le faire avec humour et dans la détente ».