mercredi 23 février 2011

Small is beautiful


L’Ile de Pâques, l’Atlantide, les frères Bogdanov : le monde recèle de mystères qui interpellent l’inconscient collectif et qui génèrent les théories les plus diverses, et les plus alambiquées.  

Le réseau RATP, et notamment le métro, foisonne d’énigmes venant titiller l’imagination des usagers qui aiment se poser des questions inutiles pendant leurs trajets. Par exemple : comment les couleurs des lignes de bus sont-elles attribuées ? Un peu moins futile peut-être, mais tout autant source de questionnements sans fin : pourquoi certaines stations des lignes 10 et 12 voient-elles des affiches de petites taille être placardées sur les quais ?


Une explication poétique de ce phénomène impliquerait l’existence d’un monde inconnu dans le réseau souterrain du métro parisien ; à l’image des chapardeurs du dernier film des Studios Ghibli (Arrietty, sortie en salles le 12 janvier dernier), un peuple d'êtres minuscules aurait composé une société invisible aux yeux des « grandes personnes ». Ces dernières ne sauraient pas interpréter les témoignages de leur présence – parmi lesquels les affiches de petite taille qui ne sont pas une erreur de la RATP mais des publicités vantant des produits à taille réduite idéale pour ces individus.

Le phénomène des petites affiches n’est pas nouveau ; il est toutefois difficile de lui trouver une explication logique et rationnelle, la seule venant à l’esprit étant que la gestion des publicités à placarder est un travail flou difficile à planifier. D’une semaine sur l’autre, les poseurs d’affiche se retrouveraient avec des chutes d’affiches sur les bras dont ils ne sauraient que faire sinon les placarder sur des supports inadaptés, mais dans des stations peu fréquentées – Solferino ou Maubert-Mutualité.

 
Puisque le pourquoi nous échappe, concentrons-nous sur le résultat.

Perdues dans un océan de blanc, ces affiches attirent davantage l’œil du voyageur que dans un environnement conforme à leur taille. L’incongruité de leur situation capte l’attention et renforce les effets visuels. La sculpture grimaçante issue de l’exposition Messerschmidt trouve un écho encore plus retentissant au sein de ces cadres démesurés. Ici, l’usager se trouve confronté à des images à sa taille et qui ne perdent pas en lisibilité lorsqu’on s’en approche.

Un tel procédé peut-il proliférer dans les autres stations et sur les autres lignes ?

vendredi 18 février 2011

Contester à travers la publicité


Les panneaux publicitaires vantent des produits, plus rarement des idées.

De loin en loin, des affiches contestataires voient parfois le jour ; leur but est d’influer sur les comportements et de susciter une mobilisation qu’on pourrait qualifier de citoyenne sur une question de société fondamentale. Pour mieux convaincre le public de la justesse du combat mené, les promoteurs de ces campagnes ont recours aux actions sur le terrain (manifestation, grèves, …) ou à des prises de parole dans les médias ; plus rarement à l’affichage publicitaire. Or il se trouve que cette semaine, deux campagnes squattent les panneaux parisiens :



L’alerte sur l’utilisation des OGM et leur consommation est le fait de France Nature Environnement (FNE), fédération regroupant près de « 3000 associations de protection de la nature et de l’environnement en France métropolitaine et en Outre-mer » créée en 1968, et reconnue d’utilité publique depuis le milieu des années 1970. 
La deuxième campagne, portant sur le fret, est le fruit de l’initiative conjointe du Comité Central d’Entreprise de la SNCF et du Comité d’Etablissement de Fret SNCF.


A priori, il n’y a pas grand-chose en commun entre ces deux démarches. Et pourtant…
Les deux campagnes font des enjeux environnementaux et sociaux des questions cruciales de leur message : « dégradation de l’environnement » et « abandon du service public » dans le cas du fret ; danger sanitaire pour la population humaine et animale dans celui de FNE. Surtout, toutes deux illustrent leur propos par la violence. Au feu nourri d’un sniper prenant un wagon pour cible, un homme répond en se pointant un épi de maïs sur la tempe dans un acte sans équivoque qui a provoqué une réaction outrée du ministre de l’agriculture, Bruno Le Maire se déclarant « profondément choqué » par une campagne « scandaleuse (…) qui ne tient aucun compte de la situation matérielle des paysans (…), qui repose sur des amalgames [et] des simplifications. Pour le ministre, de telles campagnes « refusent le dialogue, pointent du doigt les agriculteurs et réduisent l’agriculture à de la pollution ».

Cette réaction, à quelques heures de l’ouverture du Salon de l’agriculture, est somme toute logique de la part de Bruno Le Maire. On peut néanmoins objecter que le débat sur les OGM mérite appartient aux consommateurs et aux défenseurs de l’environnement autant qu’aux agriculteurs.

Les références à la violence, elles, ne peuvent en tout cas pas être de simples coïncidences. Leur emploi dans ces deux campagnes sorties simultanément est un témoin des fortes tensions et du malaise qui courent à travers la société française actuellement. S’agit-il aussi d’une tendance lourde dans la publicité ? Difficile d’y répondre à ce stade bien qu’une dernière affiche, apparue cette semaine également, évoque à se manière la révolution. Dans ce cas-là, pourtant, des têtes ne vont sans doute pas tomber.

mardi 15 février 2011

Souscrivez, vous êtez (r)assurés


Il y a de cela quelques années, alors que j’étais encore étudiant, un de mes professeurs avait étonné l’amphithéâtre en déclarant que, désormais, un tiers de la richesse créée dans le monde provenait du secteur des assurances. Un tel chiffre en disait long sur les mœurs d’une époque qui voyait les individus consacrer une part toujours croissante de leurs revenus à se prémunir des incidences de la vie.

Le métro parisien se fait l’écho quotidien de cette pratique par le biais de nombreuses campagnes d’affichage promouvant les sociétés d’assurance.

SOS Malus, entre autres, investit fréquemment les rames pour mieux atteindre les automobilistes frustrés par la révocation de leur assurance et qui enragent de devoir se fader les transports en commun. La vision de cet homme qui renoue avec sa fidèle compagne apaise et renvoie tous ces cas désespérés à la garantie de voir le bout d’un long tunnel souterrain.

 
Economiquement, le secteur de l’assurance a donc le vent en poupe. 
Politiquement, les valeurs qu’il véhicule rencontrent un vif succès depuis quelques mois, et ce grâce aux difficultés budgétaires et financières que rencontre l’Etat. L’exemple le plus récent date du lundi 14 février : Jean-François Copé déclarait à la matinale de France Inter que, de même qu’il est obligatoire d’assurer son véhicule, une loi pourrait exiger la souscription d’une assurance « dépendance » pour pallier les dépenses induites par ce type de problème. Ces propos venaient soutenir la volonté de François Barouin de trouver des financements privés de nature « assurantielle » sur ces questions.

Proposer des solutions assurantielles au vieillissement de la population revient à nier la question de société sous-jacente, sur fond d’assainissement des comptes publics. L’enjeu est pourtant caractéristique des sociétés occidentales et implique une réflexion en profondeur sur la place que la collectivité accorde aux vieilles générations et à leur prise en charge.

Au stade actuel, nul texte de loi n’est encore prévu. Néanmoins, si une telle démarche devait aboutir, nous pouvons d’ores et déjà avoir une idée des affiches qui pourraient fleurir dans les rames du métro, les « seniors » remplaçant les animaux :


samedi 12 février 2011

Tagada, Tagada, voilà la Saint-Valentin


La date fatidique approche. Dangereusement même. Il ne reste plus que 48 heures à ceux qui n’ont encore rien prévu (ou rien trouvé) pour dénicher une idée de cadeau inventive et pas trop tarte qui prouve à l’élu(e) de leur cœur que le feu de leur relation ne s’est pas éteint sous les intempéries de la vie.

Or cette semaine, les panneaux publicitaires du métro n’ont pas vraiment aidé ces usagers à la recherche d’une idée miracle. Les affiches auraient pu doper le rapprochement entre passagers et inciter ces derniers à une drague effrénée ; au lieu de cela, les allées et venues sont restées aussi mécaniques que lors d’un banal 17 janvier, tandis que les regards des voyageurs n’affichaient aucune trace de passion ou de lubricité.

Car comment s’enthousiasmer quand la seule publicité d’envergure traitant de la Saint-Valentin se trouve être celle de Haribo ?

 
C’est sympatoche d’offrir des fraises Tagada. Le côté sucré et acidulé confère une touche mignonne et enfantine au geste ; il ne résout pourtant rien sur le fond puisque le but est ici de montrer artificiellement à l’âme sœur qu’il n y a qu’elle qui compte. Faire passer un tel message avec une fraise Tagada c’est, comment dire, un peu court jeune homme – en dépit des cœurs innombrables mis en avant par l’affiche et de la promesse de câlins tendres et moelleux.

Une recherche un peu plus poussée aboutit sur une autre image :

 
A tous ceux qui souhaitaient préparer un repas à leur moitié, Picard suggère un dessert lourd de symboles et riche en communion, la pomme d’amour. Merci tout d’abord à Picard de sortir de sa réserve – ses publicités sont rares dans l’enceinte du métro – pour essayer de sortir les consommateurs de l’impasse. Mais là encore, la proposition tient plus du gadget que de la bonne idée qui fera fondre l’être aimé. Que nous reste-t-il pour trouver l’inspiration ?

Pas le métro en tout cas. La Saint-Valentin, contrairement à Noël, ne donne pas lieu à une débauche de moyens publicitaires pour stimuler la consommation des ménages. Peut-être est-ce dû à son côté plus artificiel et moins fédérateur ; on peut également envisager que cette fête favorise davantage les petits commerçants, chocolatiers et fleuristes en tête, par rapport aux grandes enseignes ; un troisième argument consisterait à dire que tous les produits ne se prêtent pas à la célébration de l’amour : on peut offrir un lave-linge à son compagnon ou à sa compagne à Noël pour le bien du ménage ; faire la même chose à la Saint-Valentin dénoterait un sérieux manque de goût et une compréhension des rapports humains proche de néant.

Prenons l’exemple de l’affiche suivante :

 
On pourrait croire que le symbole du cœur est une référence explicite à la fête des amoureux. En y réfléchissant de plus près, mieux vaut ne pas accréditer cette thèse et ne voir en l’affichage de cette image qu’une coïncidence étonnante : offrir une fraise Tagada pour la Saint-Valentin, ça peut encore passer. Un Activia, en revanche, c’est tout de suite moins attendrissant.

Il faudra donc attendre lundi prochain, et le renouvellement partiel des affiches dans le métro, pour espérer tomber sur une suggestion intéressante !

mercredi 9 février 2011

Bleu de chauffe


L’une des critiques le plus fréquemment formulées à l’encontre de Paris, outre l’antipathie des garçons de café, la rareté des taxis le soir, les prix affiché par les restaurants, ou le stress ambiant des passants dans la rue et des usagers dans les transports en commun, doit certainement être le temps gris qui règne constamment au-dessus des toits de la ville. De là à penser que les nuages affectent la bonne humeur, pourtant proverbiale, des Parisiens, il n’y a qu’un pas que beaucoup n’hésitent pas à franchir.

Pour éviter qu’une déprime carabinée ne saisisse l’ensemble de la population, divers réserves de couleurs ont été aménagées à travers la ville. Les squares et les parcs approvisionnent les habitants en vert ; les affiches publicitaires, elles, regorgent de bleu. A tel point qu’en plus d’utiliser ce dernier en masse, elles n’hésitent pas à faire de cette couleur un argument marketing à part entière. Il y avait Bleu Ciel d’EDF, mais on ne connaissait pas forcément la Mutuelle Bleue. Celle-ci en met une deuxième couche en ce moment :

 
La récurrence du bleu dans les propos publicitaires n’est pas fortuite lorsqu’on lit les interviews ou les textes de Michel Pastoureau. Dans son livre Bleu, histoire d’une couleur (éditions du Seuil, paru en 2000), l’historien anthropologue établit qu’après avoir été longtemps déconsidéré, le bleu est devenu extrêmement populaire à partir du XIVème siècle grâce au développement du culte à la Vierge Marie et a su s’imposer comme la couleur favorite en Occident.

C’est aujourd’hui la couleur de référence « pour les personnes physiques comme pour les personnes morales : les organismes internationaux, l'ONU, l'Unesco, le Conseil de l'Europe, l'Union européenne, tous ont choisi un emblème bleu ». Ce succès s’expliquerait par le côté consensuel du bleu, « une couleur qui ne fait pas de vague, ne choque pas et emporte l’adhésion de tous (…). Quand les gens affirment aimer le bleu, cela signifie qu’ils veulent être rangés parmi les gens sages, conservateurs, ceux qui ne veulent rien révéler d’eux-mêmes » (citations tirées de l’article « Le bleu : la couleur qui ne fait pas de vagues », entretien avec Michel Pastoureau, Dominique Simonnet, L’Express, publié le 5 juillet 2004, http://www.lexpress.fr/culture/livre/1-le-bleu-la-couleur-qui-ne-fait-pas-de-vagues_819768.html).

Toutes ces qualités conviennent parfaitement à une mutuelle. Essayons de mettre en pratique ces observations à d’autres publicités ayant recours au bleu:

Sur cette affiche de Shakira, le but est de rassurer les usagers du métro sur les intentions et la personnalité de la chanteuse : OK, elle a des dreadlocks ; d’accord, elle saute partout ; mais le ciel bleu derrière elle suggère qu’elle n’est en fait qu’un produit formaté et à la démarche artistique très convenue, comme le prouvent les textes de ses chansons.

Dans des situations plus délicates, les vertus fédératrices et rassurantes du bleu sont mises à rude épreuve. Les concepteurs de l’image ci-dessous ont forcé sur la couleur, mais quelle autre solution s’offrait à eux pour essayer d’atténuer le caractère angoissant de l’œil géant, et même de la manifestation elle-même ? Le résultat est bl(e)uffant. La méthode, elle, est validée.


P.S. Le titre est tiré du livre de Nan Aurousseau, paru en 2005 chez Stock




dimanche 6 février 2011

Liberté, égalité, beauté?


C’était à l’automne dernier. Avant de rentrer chez moi après une journée passée à traquer les affiches dans les stations de métro et les rues de Paris, j’avais voulu faire un détour en banlieue proche, histoire de changer un peu de décor. Il était trop tard pour que la balade durât encore longtemps mais la curiosité l’avait emportée et m’avait conduit à la ligne de tramway T2. Pour un résultat décevant de prime abord : la ligne était coincée entre le périphérique et des immeubles de bureau hideux qui niaient à l’environnement toute vie de quartier.

Je descendis rapidement de la rame et m’apprêtai à faire demi-tour quand la vue d’une affiche au slogan incongru me força à m’arrêter :

La concurrence dans le secteur des cosmétiques était-elle à ce point exacerbée pour que les laboratoires Yves Rocher proclame sans sourciller que la devise républicaine devait désormais délaisser la fraternité au profit de la beauté ? Une telle proclamation n’actait-elle pas ouvertement les mutations d’une société qui voyait l’apparence et la perfection physique prendre le pas sur la collectivité et l’amitié envers son prochain ?
A l’inverse, pouvait-on souscrire à la thèse du combat pour la beauté – terme flou et en perpétuelle évolution s’il en est – en tant que lutte permettant à une catégorie de la population d’être mieux acceptée par la société ?

Dans son livre La Guerre de la beauté – Comment L’Oréal et Helena Rubinstein ont conquis le monde (Denoël, janvier 2011), Ruth Brandon estime que dans l’esprit de Helena Rubinstein, les produits de beauté avaient pour principal but de donner confiance aux femmes afin de les aider à s’imposer dans le monde extérieur au foyer. Cette émigrée polonaise qui s’enfuit du ghetto de Varsovie à 18 ans et lança des salons de beauté à travers le monde, devenant ainsi la première femme millionnaire, devait considérer que le maquillage participait à l’émancipation de la femme en lui permettant de prendre possession de son corps et d’en disposer comme elle le souhaitait.

Or, si le XXème peut être considéré comme une époque charnière dans la démocratisation de la beauté et l’acceptation toujours plus grande des femmes dans la société, que dire des années 2000 ?

L’image est belle mais irréelle. A force de retouches – Monica Bellucci confiait récemment que tous les clichés des publicités et des magazines étaient aujourd’hui photoshopés (« Le Grand Entretien », France Inter, 9 novembre 2011) –, les traits s’estompent et les visages se lissent au point de gommer âge et émotions. La figure désormais renvoyée est un halo fantomatique.
Face à ces représentations inaccessibles et à une forme de dictature de l’apparence, d’où le salut peut-il venir ?

 
Dans cette publicité Nivéa, l’accent n’est plus mis sur la beauté à tout prix selon un canon incarné et pourtant inexistant mais sur le bien-être qu’une personne ressent quand elle prend soin de son corps. Je ne sais pas ce que vaut l’argument naturel ; on ne peut en tout cas pas dénigrer le recours à des ingrédients bio dans des produits de maquillage, même si l’on sent aussi l’intérêt marketing dans la démarche.
Le thème pourrait en tout cas faire des émules et infléchir légèrement les représentations de la beauté. L’horizon des photos plausibles et plus simples se rapprocherait-il ? Quant à changer la devise républicaine au fronton des bâtiments publics, on s’en occupera quand la question de la fraternité sera réglée. Mais ceci est une autre histoire.

jeudi 3 février 2011

La Pinacothèque: musée haut, musée bas


Ce qui suit ne peut qu’être une mauvaise chronique. Le terrain est glissant, ma légitimité à évoquer le sujet douteuse.

Mais comment ne pas évoquer l’offensive publicitaire de la Pinacothèque sur les murs des stations de métro parisiennes depuis quelques semaines ? Qui peut dire qu’il n’est pas au courant que depuis le 26 janvier, cet édifice propose une nouvelle exposition temporaire de peinture – le thème n’étant d’ailleurs pas très clair, mais nous y reviendrons ? L’assaut est de taille et a réussi à reléguer les autres expositions au second plan, dont celle du Musée du Luxembourg sur « Cranach et son Temps » pourtant elle-même peu avare en affiches.


Le fait est que, depuis plusieurs années, les expositions temporaires ont pris une ampleur inédite dans le paysage culturel français et dans la vie des musées, représentant dorénavant une source de revenus essentielle pour ces structures. Même lorsque leur montage est coûteux, le prix des billets permet généralement de fidéliser un public et de compenser le manque à gagner provenant de la tendance à l’accès libre pour les collections permanentes.

Cette dynamique est-elle en train de provoquer une bulle culturelle, chaque musée devant à tout prix monter ou acheter une exposition capable de mobiliser les foules, au détriment du sens budgétaire commun ? A voir le nombre d’expositions temporaires proposées en ce moment à Paris, on pourrait le penser. Pour autant, l’immense succès de l’exposition Claude Monet au Grand Palais, qui a réuni plus de 900000 visiteurs, justifierait cette démarche. On ne peut toutefois occulter la question de la valeur artistique et scientifique de ce genre de manifestation.

Or c’est là que le problème se pose, dans le cas de la Pinacothèque en tout cas. J’avoue ne m’être rendu qu’une seule fois à une exposition proposée par cet établissement, Les Soldats de l’Eternité : l’armée de Xi’an. Le clou du spectacle se réduisait à une dizaine de soldats en terre cuite qui se battaient en duel ; bien sûr, on pouvait observer des bijoux et des objets de la vie courante, mais cette exposition décevait. On venait voir une armée ; on avait devant soi une équipe de football. De fait, on se retrouvait dans une « expotin », une manifestation qui bénéficiait d’une campagne de promotion importante et qui se révélait très utile pour briller en société, mais dont l’impact émotionnel et culturel était beaucoup plus limité. Le marketing et les thèmes aguicheurs représentaient ainsi les deux moteurs principaux de la Pinacothèque… jusqu’à récemment. 


La dernière campagne sur les collections des Esterhazy et des Romanov est, en effet, assez complexe à cerner : est-ce un groupement de collections ? Le thème est-il le rôle des familles princières dans la collecte et la commande d’œuvres d’art ? Pas facile de se faire une idée à la simple lecture des affiches qui reprennent les mêmes codes et la même présentation.
Ce n’est qu’en cherchant sur le site internet de la Pinacothèque qu’on apprend qu’il s’agit de deux expositions séparées, soumises à deux tarifications (l’achat d’un billet cumulant les deux manifestations étant toutefois possible). Voilà qui est d’une logique commerciale imparable.

Alors même que la Pinacothèque revendique son statut de musée disposant d’une collection permanente, il lui reste encore à prouver qu’elle est plus qu’un simple réceptacle de « coups » culturels. Si vous avez un avis sur la question, n’hésitez pas à m’en faire part.