lundi 13 décembre 2010

Venise - Paris - Bruxelles

Publicité et discrétion sont-elles compatibles ? Si l’on considère le matraquage dont sont l’objet téléspacteurs, auditeurs et passagers du métro, rien n’est moins sûr.

Les habitants de Venise demandent pourtant à combiner les deux, eux qui sont régulièrement confrontés à des bâches publicitaires gigantesques engloutissant les monuments de la ville en cours de rénovation. Pour mieux financer leurs campagnes de restauration, les autorités vénitiennes ont en effet de plus en plus recours à ces « maxipublicités », qui présentent l’avantage d’assurer aux bailleurs de fonds une visibilité importante. La pratique n’est pas nouvelle : Enrico Tantucci et Maureen Marozeau rappellent dans Le Journal des Arts qu’il y a un peu plus de dix ans, « le Credito Bergamasco a déboursé 2 millions d’euros pour financer intégralement, sept ans durant, la rénovation des façades gothiques du palais des Doges. Sur les échafaudages figurait une reproduction de la façade du palais, puis celle d’un Tiepolo, le logo de la banque y apparaissant en toute discrétion » (Enrico Tantucci, Maureen Marozeau, « Affligeantes affiches », Le Journal des Arts, n°333, du 22 octobre au 4 novembre 2010). Ce qui a changé, c’est l’impact sur le patrimoine :

emprunté à : http://observers.france24.com/fr/content/20100825-restaurer-patrimoine-venise-coca-cola-publicite-italie
Oui, au centre de la photo, c’est bien le Pont des Soupirs (ou ce qu’il en reste) coincé entre deux bouteilles de soda. La dénaturation du site ne semble pas préoccuper le maire de la ville. Celui-ci a déclaré que « si les gens veulent voir [le Pont des Soupirs], ils doivent aller chez eux et en regarder une photo dans un livre » (Enrico Tantucci, Maureen Marozeau, ibid.). De tels affichages ne seraient toutefois pas légaux, puisque la convention passée entre la Ville et l’Etat en 1924 stipule que tout monument « doit être libre d’objets et de meubles, qui, de quelque manière, peuvent altérer sa beauté et sa majesté, masqueraient la qualité, les tableaux et toute autre particularité inhérente à l’art et à l’Histoire », tandis que le Code des Biens culturels établit qu’ « il est interdit de placer ou d’afficher des panneaux ou autres sources de publicité sur les édifices et les zones désignées comme biens culturels. Le surintendant peut, cela dit, autoriser le placement ou l’affichage dès lors qu’aucun tort n’est causé à l’aspect, au décor et à la jouissance publique desdits édifices et zones » (Enrico Tantucci, Maureen Marozeau, ibid.).

Le budget du Ministère de la culture italien se réduisant à peau de chagrin, les responsables des monuments se doivent de trouver des sources de financements privés complémentaires pour assurer la restauration d’un patrimoine immense mais en danger – comme l’a illustré l’effondrement d’une villa sur le site de Pompéi récemment. Le phénomène n’est pour autant pas un cas isolé en Europe : en France le décret n°2007-645 du 30 avril 2007 a autorisé la publicité sur les façades des monuments historiques et a voulu stimuler le recours au mécénat. Les Parisiens ont en ce moment l’occasion d’en voir une application sur la façade ouest de l’Opéra Garnier.


L’opéra Garnier a pu minimiser le préjudice que lui causait une façade entièrement dévolue à la publicité en mettant en place un affichage double :
- à droite, une « maxipublicité » H&M, renouvelable au gré des saisons et des annonceurs (http://www.operadeparis.fr/cns11/live/onp/Vous_etes/entreprises_AROP/location_espace/la_publicite.php?lang=fr) ;
- à gauche, une bâche mettant discrètement en lumière le mécénat d’Eiffage.

Un véritable marché a vu le jour dans le domaine du « financement mécénat ». La société Célize propose ainsi son expertise pour réaliser des trompe-l’œil respectueux du cadre en restauration, en partenariat avec la Fondation du Patrimoine (http://www.celize.com/financement-mecenat). On peut donc s’attendre à voir d’autres bâches monumentales dans les mois à venir, en espérant qu’elles s’inspireront davantage de ce qu’allait devenir le Musée Magritte que du Pont des Soupirs.

vu dans : http://forumamontres.forumactif.com/forum-general-de-discussions-horlogeres-f1/le-mecenat-horloger-autorise-t-il-a-faire-nimporte-quoi-t81296-15.htm

P.S.:
Un grand merci à Louise pour les sources !

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