mercredi 9 mars 2011

Interloqué et… dépité


Cette pub d’un groupe de télévision français bien connu m’interloque et m’interroge, voire me rend perplexe. Ce qui, au cours de mon trajet en métro du matin, n’est pas un mince exploit !

 
De quoi s’agit-il ? Pour ceux qui auraient échappé au film, Canal + fait sa pub autour d’un blockbuster mettant en scène un prodigieux et charismatique touche-à-tout mettant son talent au service de la fabrication d’armes made in US dernier cri. Seulement voilà, entre un verre de whisky raffiné et les jumelles de Playboy du mois de décembre, notre héros se heurte à la réalité de la guerre et nous fait une petite crise de conscience. Décidant qu’il a mieux à offrir au monde que ses armes, il finit par combattre, en deux volets, le fameux complexe militaro-industriel américain (contre lequel Eisenhower nous avait pourtant bien mis en garde en son temps).
Voila pour le pitch.
 
Au-delà de la profondeur du film et du message universel – fabriquons des biberons, pas des armes – qu’il véhicule, cette pub, disais-je, m’interloque.
Tout d’abord, le graphisme de l’affiche. Sur un joli fond bleu (je vous renvoie au post « Bleu de chauffe » de JuMa), celle-ci détourne avec un certain humour l’image du héros pour en faire une sorte de figure sainte couronnée d’une auréole vers laquelle rayonnent des missiles (atteindre le paradis avec/par des missiles ?). A cet instant, j’en viens innocemment à me demander si un marchand d’armes a jamais été canonisé ? A forcer le trait, on pourrait même entrapercevoir Tony Stark dans une posture d’icône byzantine…


Le message de l’affiche « un marchand d’armes qui sauve le monde, c’est forcément du cinéma » nous sort heureusement de nos divagations matinales pour nous ramener à la réalité : les marchands d’armes ne sont pas des saints. Ouf ! Mes convictions morales, un instant chamboulées, se remettent dans le bon sens ! Pas besoin de s’interroger sur les fondements moraux de la realpolitik, Canal+ plaisante, c’est une boutade : fabriquer et vendre des armes, c’est évidemment mal.

Les marchands de canon, c’est bien connu, n’ont que peu ou pas d’humour alors que Canal+ de son côté en a à revendre. C’est même la marque de fabrique de la chaîne cryptée. Donc, afin de vendre son catalogue de films, elle nous propose cette affiche pseudo-décalée, faussement outrageuse et vraiment simpliste où le bon sens moral, tout comme le super-héros américain moyen, l’emporte à la fin. 

Pure coïncidence ou cynisme publicitaire, les affiches sortent dans le métro au moment où les (gentilles) opinions occidentales découvrent (avec stupeur et effarement) que leurs gouvernements fournissent des armes à des régimes (méchants) qui n’hésitent pas ensuite à les utiliser contre les peuples qui se soulèvent.

Au final, plutôt dépité, je remets la tête dans mon bouquin avant de descendre à la prochaine.

Marcel

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