mercredi 20 octobre 2010

Michel Sardou, cet incompris

Je ne me suis jamais intéressé à Michel Sardou.

C’est sans doute une question de génération. Adolescent, quand j’écoutais de la variété française, paroles et musique me semblaient être d’un autre temps. Les thèmes même des chansons évoquaient un pays et des idées poussiéreuses. Quant à l’interprétation, elle n’était pas plus emballante, donnant à voir un homme taciturne voire d’humeur franchement maussade.

Et pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de prendre l’affiche de sa prochaine tournée en photo.

Michel Sardou semblait avoir franchi un cap. Il était plus que cet individu ne souriant jamais et de la même génération que Daniel Guichard ou Michel Tor. Son visage totalement figé, sa crinière blanche et sa posture rigide se découpant irrémédiablement sur un environnement irréel et illusoire instillaient un doute : s’agissait-il d’une actualité propre – une tournée à venir – ou d’une nouvelle publicité pour le Musée Grévin, l’un des édifices les plus vains au monde avec celui le Musée de Mme Tussot à Londres ? Un bref rappel des campagnes d’affichage récentes de ce temple de la reproduction immobile permettait d’y voir plus clair, puisque toutes mettaient en avant l’esprit facétieux des concepteurs des expositions, qui n’hésitaient pas à juxtaposer à Phil Collins jouant de la batterie un Zinédine Zidane serrant la main de Lorie (?!!).

Un seul geste animait cette figure quasi-diaphane : les mains de l’homme rajustaient sa veste dans le souhait, certainement, de le préserver du froid pénétrant qui s’annonçait – geste qui trouvait un écho dans le col relevé de la veste. Michel Sardou est-il dans le besoin, ou cherche-t-il à nous faire passer un message ?

La lumière s’est petit à petit infiltrée dans l’esprit embrumé de l’usager matinal du métro qui rédige ces lignes. Je me suis souvenu d’une information qui aurait tout aussi bien ne jamais s’ancrer dans ma mémoire à un moment où plusieurs acteurs du monde social et associatif intervenaient sur le sujet avec beaucoup plus d’à-propos et de légitimité : Michel Sardou s’était dit choqué par l’expulsion des Roms, qu’il considérait « injuste et exagérée ». Il avait notamment déclaré qu’ « on ne [lui] fera pas dire du mal des gitans, car [il] les aime énormément. Je sais qu’il y a des voyous chez les gitans, ça c’est certain. Mais est-ce qu’il n’y en a pas chez les Français, chez les Italiens, chez les Russes, chez les Anglais, chez les Américains ? Il y en a partout », et concluant : « Ce ne sont pas que des voyous, ce sont aussi de grands musiciens » (http://lci.tf1.fr/people/2010-08/pour-michel-sardou-l-expulsion-des-roms-est-injuste-et-exageree-6050574.html).

Bon, comme argumentation, il y a mieux.

C’est aussi ce qu’a dû se dire le chanteur qui, comme Johnny Hallyday, se sera sûrement rendu compte qu’il valait mieux s’exprimer sur le terrain qu’il connaît le mieux : le domaine artistique. On peut presque affirmer que ce nouvel album et cette tournée ne sont, au plus, que des prétextes alimentant le véritable message de cette image : un plaidoyer sans équivoque pour les droits des Roms à circuler librement au sein de l’Union Européenne. De là à ce que j’écoute les chansons…


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