L’usager du métro qui pénètre dans une station peut rapidement être sujet à un complexe d’infériorité en voyant s’étaler devant ses yeux des individus au corps parfait et dégageant une aura de sérénité peu commune. Bien que la publicité mette de plus en plus en avant l’âge ou les (minimes) imperfections de leurs modèles, ces derniers respirent l’accomplissement personnel et semblent avoir atteint le degré ultime de la conscience de soi et de leur environnement.
Les contingences inhérentes à la vie quotidienne n’ont pas de prise sur eux. Pour eux, concilier vie privée et activité professionnelle est chose aisée : leur boite de conseil en développement durable prospère tranquillement et leur laisse le temps de sculpter leur corps et de s’investir dans la vie de leur quartier. Face à eux, l’usager a la sensation désagréable d’être un rebut de l’humanité inapte à évoluer en société.
Il existe pourtant dans le métro une vue alternative de la vie réelle : les affiches de commerce de proximité.
Pour la plupart d’entre elles, on ne sait plus trop depuis quand elles se sont glissées dans le paysage, entre cette affiche de cinéma et ce site de ventes sur Internet. D’ailleurs, leurs voisines changent toutes les semaines mais elles restent là, véritable ode à l’amateurisme publicitaire. Ce caractère non professionnel constitue une bouffée d’air pour le voyageur qui se voit proposer un aperçu plus concret du monde extérieur. Leur graphisme simple suscite la sympathie, excite la curiosité et pose quantité de questions (« quelle est cette boutique ?» ; « à quoi ressemblent les gens qui l’occupent ?» ; « je n’arrive pas à lire les caractères en haut de l’affiche, ai-je besoin de lunettes ? »).
Ces affiches ramènent ainsi à une réalité tangible et suggèrent une incarnation bien plus prégnante et plausible que la photo de Vincent, conseiller clientèle Bouygues Télécom Région Nord-Pas-de-Calais.
Que faire devant ces vertus salutaires qui redonnent confiance en soi et permettent de mieux vivre l'expérience de la perfection publicitaire ? S’incliner (au fait, cette semaine le kilo de souris d’agneau est à 7,80€, et le sauté de porc à 6,40€).
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